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2020 / 2021

Il faut toujours taper sur plus petit que soi

Il faut toujours taper sur plus petit que soi

18/04/2020 - Rebecca Rotermund

correction : Fanny Le Borgne

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Je me lève de bonne humeur, ce matin. Mon thé qui commence seulement à refroidir sur la table m’incite, avant que je puisse le déguster et commencer ma journée de télétravail, à aller faire un tour sur les réseaux sociaux.

 

Mais j’oublie encore une fois de me rappeler, avant d’allumer mon ordinateur, que je vais sûrement y croiser de potentiels idiots qui vont forcément m’irriter.

 

Je ne suis pas déçue : au bout de quelques minutes, je tombe sur un article, relayé par une amie, concernant un appel à la haine d’une instagrameuse marocaine(1).

 

Celle-ci aurait lancé, via son compte, une campagne antigays, dans un pays où, comme chacun le sait, ils sont déjà tellement aimés. Elle aurait proposé à ses followers de piéger des homosexuels en se créant de faux comptes sur l’application de rencontres Grinder pour pouvoir les repérer, puis sans doute les faire chanter, les dénoncer, stigmatiser, tabasser et autres joyeusetés.

 

C’est assez merveilleux de voir que cette femme, qui vit elle-même dans une société où son genre est maltraité, où ses droits sont bafoués, où on lui demanderait presque de s’excuser de vivre, où les femmes, avec acharnement, essaient de conquérir un semblant de droit l’existence choisit elle-même de devenir un bourreau pour se sentir exister.

 

Et apparemment ce genre d’appel, sur les réseaux sociaux, ça passe crème. Son compte est encore ouvert, malgré les signalements. On peut donc utiliser Instagram pour venir y cracher autre chose que ses problèmes d’ego(2). Je me dis qu’Hitler aurait sûrement kiffé, il aurait vu le potentiel de ces réseaux et aurait su les rentabiliser.

 

Alors si, comme cette femme, vous avez une vie merdique, ou que vous êtes simplement très très bas de plafond, rappelez-vous qu’au pire, en dessous de vous, il y a toujours les homos, au cas où vous auriez besoin de passer vos nerfs, de vitupérer ou de tabasser.

 

Songez-y : il faut toujours victimiser ou stigmatiser plus petit que soi pour pourvoir se sentir, ne serait-ce qu’une demi-seconde, tel un roi.

Suivie par 500 000 personnes, apparemment, l’insta-homophobe.

L’auteure a conscience que l’on peut l’utiliser à bon escient, pour partager de jolis / intelligents / respectueux contenus. Cet article n’est pas un pamphlet contre cette application.

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(1) Suivie par 500 000 personnes, apparemment, l’insta-homophobe.

(2) L’auteure a conscience que l’on peut l’utiliser à bon escient, pour partager de jolis / intelligents / respectueux contenus. Cet article n’est pas un pamphlet contre cette application.

Sois belle et confine-toi ! - 20/04/2020
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Sois belle et confine-toi !

Rebecca Rotermund -Publié le 20/04/2020 chez Femmes plurielles

correction : Fanny Le Borgne

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Mes ami·e·s, l’heure est grave ! Le coronavirus sévit. Tant qu’à faire, pourquoi ne pas en profiter pour rabaisser « le sexe faible » ? Sexisme debout, haut les cœurs ! Encore une fois, sous n’importe quel prétexte, n’oublions pas d’en faire toujours notre heure. Ne levons pas le pied et rappelons aux femmes que leur rôle reste avant tout d’être un objet agréable à regarder, un outil à utiliser. Mesdames, assumons l’une de nos fonctions premières : être attrayantes à l’œil du mâle. Gardons notre esprit de compétition et n’oublions pas de resplendir pour que les hommes puissent se roidir. « Sois belle et confine-toi », le nouveau « Sois belle et tais-toi » ?

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Grâce à ce trop-plein de temps libre de cerveau, que tout le monde ne sait pas utiliser, ont fleuri sur internet des bouquets – non de virus mais pourtant viraux –, des séries de mèmes et de blagues potaches soulignant le potentiel potiche de la femme. À grand renfort de « haha » et de « hohoho », nous fûmes submergé·e·s dès les premiers jours du confinement par des blagues d’une finesse pachydermique sur ce à quoi ressembleront les femmes à la sortie de la quarantaine.

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Alors rions ! Rions de ces femmes qui ne pourront aller comme elles le souhaitent dans leur centre d’esthétique se faire épiler les sourcils, ratiboiser le buisson ardent, dégraisser les parties grasses telles des jambons trop couenneux à alléger. Profitons-en pour nous rappeler que la laideur d’une femme est à bannir. Trump nous l’a dit, les belles femmes sont déjà inutiles, alors que dire des laides ? Trompons-nous d’adversaire en nous trumpant.

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Puisque le coronavirus dézingue sans réelle distinction d’âge ou de sexe – quoique les déjà plus démuni·e·s seront encore et toujours les plus démuni·e·s face au ravage –, puisque le virus n’a pas fait l’effort d’être sélectif et de s’attaquer au vrai problème de la société (aka la femme qui se laisse aller), nous nous permettrons d’en rajouter une couche. Et d’y aller comme les vraies femmes avec du maquillage à la louche ! Mais pas de panique, que les plus négligées d’entre nous, qui s’en battaient déjà l’œil de mettre des faux cils et ne voyaient aucun intérêt ni plaisir personnel à se ripoliner la face et à traquer le poil / le gras / le vêtement parfait pour s’exhiber comme un objet, se rassurent : rien n’aura changé, nous serons toujours perçues comme des femmes sans intérêt, de pauvres vieilles filles ou des lesbiennes à négliger.

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Et bien messieurs (et mesdames aussi !), navrée de vous apprendre qu’en cette période sombre de quarantaine, nous avons des sujets de préoccupation moins superficiels que de rembourrer nos soutiens-gorge et leurs bonnets pour les faire pigeonner. Peut-être oserais-je émettre l’idée que les soucis de nos cerveaux féminins s’orientent prioritairement, et probablement comme à l’accoutumée, vers l’idée de savoir si nous et nos proches allons nous en sortir. Allons-nous être payées ? Allons-nous pouvoir payer nos factures ?

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S’ajoute à ces sources de stress celui de la charge mentale… Mais aussi celui des charges tout court : le virus ne nous dédouanera pas de devoir briquer et faire rutiler la maisonnée, nourrir les petits et pathétiquement les plus grands à la becquée, faire faire leurs devoirs aux enfants confinés et, par-dessus le marché, pour celles qui en ont la possibilité : télétravailler !

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J’exclus là les femmes bravant les dangers, sortant tous les jours bosser à moindres frais, pour que la société et le monde continuent de tourner, nous permettant de rester au chaud à regarder des mèmes insultants à nos effigies.

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Caissières, infirmières, médecins, femmes d’entretien, magasinières, routières… devons-nous leur fournir une autorisation, non pas de sortie pour sauver nos vies, mais de droit à la négligence esthétique ? Lorsque nous devons quitter nos foyers, doit-on faire honneur au monde extérieur en nous parant et nous préparant pour le plaisir visuel des mâles et des passants ? Au sein des maisonnées, pas d’autorisation qui vaille : la rigueur militaire nous rappelle de ne pas oublier de faire péter le vernis à ongles y compris dans nos pantoufles où sont nos doigts de pied.

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Ah ! Quel délice d’être encore une fois attaquées et rétrogradées, tout en subissant d’être confinées ! À toi qui as couiné et ricané devant ces mèmes réducteurs à l’extrême, en y voyant une blague immature mais drôlette : après le confinement, ne te presse pas de sortir, reste chez toi !

Cunnilingus, coronavirus et grande braderie des droits des femmes

25/04/2020 - Rebecca Rotermund

correction : Fanny Le Borgne

 

Cunnilingus, coronavirus et grande braderie des droits des femmes

 

À quelque chose malheur est bon. Le coronavirus sévit, mais prenons le temps de faire fleurir un peu de beauté sur ce tas de fumier.

 

À quelque chose malheur est bon. Le fumier qui – sans surprise – s’épanouit en premier est celui de la misogynie, en profitant pour se révéler et s’aggraver.

 

Difficile, en regardant nos fils d’actualités, de ne pas penser à Simone de Beauvoir qui l’avait prédit : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »

 

Simone, vous avez eu raison, aux cons aussi malheur est bon.

 

Quid de ce faux article sur la propagation du coronavirus par la pratique du cunnilingus(1) ? Bien qu’il se soit révélé être un canular d’un site satirique américain, il n’en reste pas moins, à sa lecture, une idée de saleté de cette pratique, comme un goût dérangeant qui nous ferait grincer des dents.

Comment ne pas songer que les plus arriérés ont dû y penser et probablement se faire un plaisir de le prêcher, sans qu’on en soit nécessairement informés.

Quelle belle idée que de profiter du moment pour rappeler que le sexe de la femme est sale et que, plus sale encore que deux lesbiennes qui se permettraient cette forme de plaisir, il y a les sataniques femelles hétérosexuelles qui obligeraient leurs partenaires masculins à les contenter à coups de langue non pas énamourés mais forcés, parce qu’un vrai mâle qui se respecte ne devrait pas aller y fourrer son nez.

Le confinement et le Covid19, un bon moment pour se rappeler que la sexualité féminine et le sexe des femmes restent des impuretés.

 

Quid des femmes battues, humiliées ou psychologiquement rabaissées, désormais légalement séquestrées dans leur propre foyer ? Pas de répit, pas d’espoir de voir pour quelques instants le conjoint violent s’absenter. Pas de respiration, pas de paix.

Ne nous posons pas la question de savoir dans quel état vont ressortir ces femmes, que la société a abandonnées ou continue par son silence de négliger, parce que, si le confinement doit durer, un grand nombre d’entres elles ne vont sans doute pas en réchapper. Le silence tue autant que le mari violent.

J’étouffe dans mon 20 m2 sur vue bétonnée, mais au moins je ne suffoque pas dans mon propre corps sous des coups que je n’aurais en aucun cas mérités.

 

Quid des femmes aux États-Unis, où déjà six États ont décrété que les IVG seraient suspendues pendant la pandémie ? L’occasion était trop belle pour ne pas en profiter.

Comment ces femmes vont-elles vivre leur grossesse non désirée ? Appelleront-elles toutes leurs bébés « Pandémie Junior », pour remercier ces États qui les auront forcées à les garder ? Que deviendront ces enfants qui n’avaient pas été désirés ? Le droit à l’IVG sera-t-il, plus tard – bien que trop tard pour certaines –, réaccordé ?

 

Quid des agressions dans les rues désertées, quand nous nous retrouvons contraintes à sortir pour aller travailler ou pour aller chercher le bassement matériel dont on ne peut se passer ?

Des amies à moi, vivant dans des endroits peu fréquentés, ont eu la peur de leur vie en allant au supermarché ou en sortant leur animal domestique, qu’il faut bien continuer – avec prudence – à promener. L’une, suivie par un fou en camionnette qui a essayé de l’y faire monter, n’a dû son salut qu’à un joggeur arrivé à temps ; l’autre a été sauvée par la présence de son chien qui gambadait plus loin et que l’assaillant n’avait pas repéré.

Alors à ces autres femmes, qui n’arriveront pas forcément à se débarrasser de leur agresseur et qui seront jugées, comme presque toujours, sur le fait d’avoir mérité ou non d’être agressées, viendra-t-on en plus leur dire qu’elles l’avaient doublement cherché, pour être sorties en pleine pandémie, dans des espaces publics vidés et donc encore moins à l’abri qu’à l’accoutumée ?

 

Alors bienvenue à toutes et à tous dans la grande braderie des droits des femmes, qui ne devrait pas tarder à s’installer.

 

 

(1)https://thebiznews.org/2020/03/24/robertson-blames-coronavirus-on-oral-sex-lady-chemicals/

Canular d’un site satirique américain.

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Cunnilingus, coronavirus et grande braderie des droits des femmes - 25/04/2020

Télétravailleuses, enfilons nos faux cils

30/04/2020 - Rebecca Rotermund

correction : Fanny Le Borgne

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À l’heure où le confinement a déjà une certaine tendance à attaquer nos nerfs, nous pouvons remercier les magazines féminins qui nous aident, par leurs précieux conseils, à rester belles avant tout et en toute situation.

 

Principal nerf de la guerre de la féminité en temps normal, la beauté impose à ses bonnes soldates de ne pas se laisser aller.

 

Aussi prosternons-nous devant les articles de presse qui nous rappellent notre rôle premier : toujours veiller à notre beauté.

 

Bataillons féminins, continuez donc à vous en préoccuper, même durant cette période compliquée. Merci à toutes de bien vouloir noter que le télétravail ne vous dispense pas de vous apprêter.

 

Car, cela va sans dire, notre professionnalisme passe avant tout par notre propension à l’esthétique. Interdits donc le cheveu gras, la peau terne, les comédons et le gras. Sois resplendissante, même de chez toi.

 

Attention à celles qui oublieraient de se farder et de se pomponner avant une visioconférence ou un appel filmé. Mesdames, en plus de vous être préparées, de réussir à garder éloignés les bambins si vous en avez, il vous faut maintenant apprendre comment avoir l’air à votre avantage pour vos réunions à distance, s’il vous plaît.

Il vous faudra donc, en sus, penser à : vous mettre en valeur avec le bon éclairage, définir votre meilleur profil, réfléchir au cadrage, bannir la contre-plongée et surélever votre ordinateur pour vous sentir, via votre webcam, toute mince et affinée.

Il sera également important de montrer votre buste, parce que celui-ci aurait quelque chose à voir avec la valeur des dossiers qui vous sont attribués.

Pour être convenable, votre devoir sera de ne pas trop en faire, car l’important est de rester naturelle tout en montrant qu’on n’est pas chez soi une traîne-savates qui aurait tendance à se négliger.

On ne vous rappellera également jamais assez la possibilité d’utiliser un filtre pour adoucir vos traits, probablement fatigués par la gestion du télétravail en plus de la maisonnée. Mais comme il ne vous faudra rien en laisser paraître, tout subterfuge sera bon à envisager.

 

Vous devez être belle au bureau, merci d’être aussi un joli objet de décoration dans votre propre salon.

 

Alors, comme vous le diront en ce moment les coachs de vie et autres spécialistes de mode et de beauté, ou les journalistes de la presse féminine en ligne : il ne faut pas vous laisser abattre, mais au contraire rester coquette et parfaite, car il vous faut rester femme.

 

En fouillant sur Internet, vous trouverez une multitude d’articles pour vous y aider et ne serez sans doute pas surprise de vous rendre compte que ceux-ci n’ont pas attendu le coronavirus pour pulluler. Ainsi auriez-vous dû, bien avant déjà, y penser.

 

Rappelez-vous bien qu’on ne vous a pas engagée pour vos compétences et pour le travail que vous fournissez, mais bien pour vos jolis attraits.

 

Comme quoi, le coronavirus nous le confirme, nous autres femmes restons non pas un être humain à part entière, mais une chose faite pour être belle avant tout, notre professionnalisme n’étant apparemment qu’un petit bonus, qui compte si peu dans nos salaires.

Télétravailleuses, enfilons nos faux cils
Article - illustration - Oeil & pied-de-

Œil & pied-de-biche

03/05/2020 - Rebecca Rotermund

illustration - Rebecca Rotermund

 

La dépression nerveuse me guette. Non pas du fait du confinement, ou de la tragédie de cette pandémie. C’est indirectement que cela m’impacte, que mon bien-être et en première ligne ma féminité se rétractent, encore et toujours attaqués.

 

Après les articles nous donnant injonction de ne pas nous laisser aller, de rester « femme » et donc désirables, malgré notre société qui commence à s’écrouler, voilà les médias qui nous donnent de nouvelles leçons, pour que l’après-confinement se fasse en beauté.

 

J’ouvre un écran, et j’apprends comment je dois envisager de me maquiller, pour rester esthétiquement acceptable, quand l’Etat va me forcer à retourner travailler, bien que la pandémie ne soit pas maitrisée.

 

Puisque, comme tout.e.s, je vais devoir porter un masque et cacher ma bouche, pour avoir quelques chances supplémentaires de ne pas être malade ni de succomber, il va me falloir apprendre à contenter esthétiquement et autrement ce monde de mâles dominants.

 

J’ai l’impression que la symbolique est bien là. Mes lèvres et surtout leur pouvoir résidait uniquement dans leur attrait, bien entretenues, pulpées, colorées, désirables à souhait. Maintenant que les obligations sanitaires vont m’astreindre à les cacher pour ma sécurité, il me faut contrecarrer ce manque de sensualité. Je sens que l’on me dit que je dois rester un objet esthétique, une petite chose mignonne et inoffensive à regarder.

 

Avec le port de ce bout de tissu obligatoire, je vais, dans les espaces publics, être vouée à me la fermer. J’imagine globalement que le monde s’en foutait pas mal, avant ce masque imposé, des mots des besoins et des idées que ma bouche prononçait.

Qui, de toute façon, prêtait déjà attention à ma voix dans l’espace public, lorsque j’avais quelque chose à exprimer, ou que j’étais face à une agression ou à une difficulté.

 

Je suis une jeune femme, je suis un objet. J’ai malheureusement été livrée à la naissance avec une option vocale, que beaucoup d’hommes non jamais apprécié. Ce port du masque tombe à pic(1). Encore plus qu’avant,  je sens bien que si je me laisse faire, on va prendre l’habitude de me demander de me la boucler. Que la norme reviendra encore plus à cette idée de limiter et de minimiser ce que les femmes ont à dire et revendiquer.

 

J’apprends, d’ailleurs dans l’un de ces articles, que nous les femmes en cas de crise, aimerions nous acheter un nouveau rouge à lèvres pour nous consoler. Merci de nous réduire encore et toujours à l’état de poulettes décérébrées.

Je doute qu’une femme battue qui vient de se faire tabasser, ou qui vient de perdre son emploi, ou d’apprendre une très mauvaise quelle qu’elle soit, se précipite aussitôt chez son marchand de cosmétiques, pour se sentir apaisée, en se tartinant la bouche d’une nouvelle couleur plus ou moins toxique, qui règle ses problèmes d’un trait chamarré.

 

Les médias m’informent que je dois maintenant apprendre à mettre en valeur mes yeux, seul élément encore visible de mon visage. Grace à l’eye-liner et à l’aide de recourbes-cils, de mascara et de fards à paupières, il me sera nécessaire de me faire des yeux agréables à observer.

Dans ces rubriques, s’en suivent les éternels conseils sur le fait de s’entrainer pour une application de l’eye-liner permettant d’obtenir un œil de biche parfait. Mesdames, comme moi, préparez-vous, la charge mentale et esthétique ne fait que continuer sur sa lancée. Le monde de demain, pourtant à nos portes aujourd’hui, n’est pas prêt de changer.

 

On nous explique également dans ces papiers, qu’avec cette audacieuse virgule de khôl remontant vers nos tempes, nous allons, je cite : « prendre des allures de Moyen-Orient ». Dans une société où l’on diabolise volontiers la communauté musulmane, à grand renfort d’amalgames, voilà qu’il sera bon ton de prendre exemple sur leurs codes de beautés. On croit rêver.

Racistes, évitez de sortir les prochains mois, parce que devant cette invasion de femmes masquées aux yeux orientalisés, vous risquez de ne plus vous sentir en sécurité.

Or, nous nous passerons volontiers, de ces propos haineux qui aiment tant stigmatiser une communauté qui ne vous a rien demandé.

Soyez racistes, faites-vous plaisir, et n’oubliez pas que pire que l’étranger qui se permet de fouler et d’occuper votre belle société, il y a sa femme à son bras, sur laquelle vous pouvez vous permettre encore plus de vous acharner.

 

Alors, mesdames, rions jaune sous nos masques, mais évitons de pleurer, ou nos couches de mascara et de khôl dégoulinants risqueront de révéler nos pensées.

 

Avec ces articles, j’ai honte d’aimer me maquiller. Je suis non-violente, mais c’est avec un pied-de-biche que j’aimerais aller défoncer tout ce qui ne fait que nous rabaisser.

Attention, je ne parle ici absolument pas du port du voile dans certaines religions, chaque femme, si  cela est fait de son propre chef, sans menace ou contraintes, vit sa vie et sa foi comme elle l’entend.

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(1)Attention, je ne parle ici absolument pas du port du voile dans certaines religions, chaque femme, si  cela est fait de son propre chef, sans menace ou contraintes, vit sa vie et sa foi comme elle l’entend.

Å’il & pied-de-biche - 03/05/2020
Mon truc en poils
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Mon truc en poils

Rebecca Rotermund - publié le 27/07/2020 - chez Femmes Plurielles

correction : Fanny Le Borgne

photo : © Billie Mwiq - Unsplash ()

 

L’été est là, voici venue l’heure des publications du type « chasse, traque et mort aux poils » dans les magazines féminins. Nous allons encore pouvoir y lire et relire comment procéder et même savoir – ô joie ultime – à quelle mode notre touffe sacrée va devoir se plier : ticket de métro, intégrale, années ‘70 ou alors rien qui dépasse du slip ?

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Mais dans ce fatras de questions pseudo-existentielles il y a une qu’on ne nous pose jamais : « Avez-vous envie de vous épiler ? »

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Une exigence non prononcée

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Dès l’âge de 11 ans, en classe de cinquième, j’ai ressenti l’obligation, sans que personne ne m’en parle, de me débarrasser de ma pilosité sur toutes les parties que mon sage maillot de bain une pièce laisserait dénudées. Alors je me suis explosé les jambes, les aisselles et le bikini avec un rasoir, que j’ignorais encore comment manier. Et j’ai tout de suite trouvé ça chiant, long, contraignant et injuste, cette exigence non prononcée, mais à laquelle je devais me plier. Je comprenais que si j’étais arrivée à la piscine poilue, j’aurais été moquée. Il fallait enlever et entretenir tout ça, pour laisser croire à mes camarades de classe et à tout homme que des poils, les femmes n’en avaient quasiment pas. L’homme descend du primate, mais la femme, d’Ève …après son passage chez l’esthéticienne.

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Galérer à se déplumer

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À force de voir des femmes imberbes dans les publicités ou à la télé, je pensais être un monstre avec ma pilosité. Je me trompais : derrière tout ça, il y avait simplement un combo d’esthéticiennes, de maquilleuses et de retoucheurs photo, obéissant à un diktat patriarcal pour nous faire complexer et nous rajouter la charge mentale des poils, notamment autour du maillot.

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Et j’ai vite compris, en abordant le sujet à demi-mot avec mes copines de classe, que pour elles c’était la même contrainte : on galérait toutes à se déplumer.

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Les femmes et la guerre contre les poils, c’est un peu comme un Marvel : le même super-héros en lutte permanente contre le même méchant, impossible à éliminer définitivement et qui revient tout le temps. Mais dans le genre d’un mauvais comics : répétitif.

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Un peu plus tard, quand j’ai eu une vie hétérosexuelle active, j’ai senti qu’il ne fallait toujours pas me laisser aller. Je devais être dépoilée et porter en particulier moult attentions à mon maillot. Alors, je me rendais chez une esthéticienne qui, d’office, sans me demander ce que je voulais, partait du principe qu’il me fallait un ticket de métro ( Oui, c’était la mode au début des années 2000.) avec zéro poil sur les lèvres, et que le sillon interfessier (SIF pour les intimes) devait également être apprêté. Elle a fait ce que la mode masculine nous imposait.

 

Rien à cirer !

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Mes partenaires, à l’époque, avaient une idée des femmes et de la féminité à vous faire gerber. Pas seulement sur la pilosité, de manière générale. Je constituais avant tout un objet de désir sexuel, pas une personne entière, donc mon aspect esthétique était à leurs yeux le plus important.

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Plus âgée, j’ai eu des partenaires qui s’en foutaient. Mes poils, avec ces mecs bien éduqués, étaient à moi. Ils me respectaient, donc la pilosité, avec eux, ce n’était pas un sujet.

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Pourtant, le plus hypocrite, c’est qu’encore aujourd’hui, je continue à m’épiler. J’aime bien la sensation d’avoir les jambes toutes douces, et que ça mette en valeur les tatouages qui les ornent. Même si, par période, je n’en ai rien à cirer. Je commence seulement à assumer ma pilosité sous les aisselles quand j’ai zappé de l’enlever, chose qui me faisait hurler de rire sur les autres femmes lorsque j’étais plus jeune.

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Mon seul réel progrès, c’est que, si ça ne plaît pas à mon partenaire, eh bien il y gagne un non définitif : il n’y aura plus jamais de parties de jambes en l’air avec lui.

Le jour où j'ai appris à baisser les yeux
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Le jour où j’ai appris à baisser les yeux

publié le 29/07/2020 - par Le string magazine

correction : Fanny Le Borgne

(illustration par Le string magazine)

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Un après-midi, je me promène nonchalamment quand, tout à coup, ma vision est attirée par un slogan tagué sur le trottoir : « Un regard ne veut pas dire open bar ».

Je le confesse, la formule est bien trouvée, je suis un peu jalouse de ne pas l’avoir inventée.

 

Je finis ma promenade, mais les mots en moi se sont imprimés. Je ressasse ce message qui est, pour toutes, révélateur d’une malheureuse réalité. Il fallait bien, un jour, que quelqu’un l’exprime clairement pour que cela devienne une évidence irritante, impossible à ignorer, et que cela m’explose au nez.

 

Moi, j’ai appris à baisser les yeux dès que mes seins ont commencé à pousser.

 

Enfant, j’avais été bien éduquée, j’avais déjà assimilé qu’on ne devait pas fixer quelqu’un, ni se permettre de le dévisager. Adolescente, très rapidement et de mon propre chef, j’ai ajouté cette règle tacite de notre société : une jeune fille ne doit jamais observer un homme, au risque d’être accusée d’avoir voulu l’allumer.

 

Et, à force d’être constamment importunée, j’ai très vite compris qu’il fallait à tout prix éviter de croiser des regards, au risque de finir, dare-dare, par me faire insulter ou sexuellement solliciter et agresser.

Alors, mes yeux, au lieu de continuer à papillonner, à savourer les paysages et tout ce qui m’entourait, ont dû se conditionner à repérer tous les êtres de type masculin. Dorénavant, il me faudrait toujours faire semblant de ne pas les avoir remarqués.

 

Mon champ de vision s’est rétréci, au fur et à mesure que mon pouvoir féminin faisait grandir les braguettes et les sales envies. Mes globes oculaires ont appris à se baisser, et ma toute nouvelle dignité de femme à se rabaisser. Parce que j’étais devenue non plus un être humain, mais un objet à usage sexuel qui devait se la fermer et ne pas regarder droit dans les yeux, pour ne pas provoquer.

 

Plus question alors d’œil folâtrant, ni de me promener seule gaiement. J’ai fini par marcher avec le regard non plus droit devant, mais vers le sol. Mon corps entier faisait office de boussole, j’arrivais à repérer sans les toiser tous les pervers occupés à me mater. Mais mes yeux baissés n’avaient plus le droit de vue que sur les trottoirs, le macadam et les détritus, pendant que d’autres ne se gênaient pas pour me reluquer le cul. Malgré cela, dès que j’étais seule dans l’espace public, le moindre badaud croyait avoir l’autorisation de m’aborder.

 

Par lassitude de toute cette salacitude, j’ai fini par ne plus avoir seulement les yeux baissés, mais également la nuque légèrement courbée.

Le joug du patriarcat – et du manque d’éducation des garçons – pesait déjà sur moi, et pourtant au fond, à cet âge-là, j’étais toujours plus proche de l’enfant que de l’adulte. Mais apparemment, cette appréciation ne valait que pour moi. Malgré mes courbes à peine naissantes, j’ai senti le poids d’être une femme commencer à m’écraser.

 

Ça n’a pas empêché les crevards de me harceler, mais, au moins, je me disais que ce n’était pas ma faute, que ce n’était pas moi qui les aguichais.

 

Et puis un homme, un jour, pour me draguer, m’a abordée en me demandant pourquoi je marchais la tête baissée. Je me suis dit : « Merde, ça suffit, merci bien. » Même ainsi, on ne me foutrait pas la paix.

 

Alors j’ai relevé la tête et je l’ai fusillé du regard, avec un rictus peu amène qui l’a fait se reculer. Vexé, il m’a quand même dit que je devrais apprendre à sourire, parce que ce n’était pas joli-joli, le visage que je lui présentais.

J’ai grogné que je ne savais pas que c’était le but ultime de ma vie d’être un joli machin pour faire plaisir aux passants et j’ai montré les dents.

 

Pendant plusieurs années, on m’avait volé mes yeux, mais ça n’avait pas suffi pour obtenir du répit. Alors je me suis dit que c’était bon, j’avais assez donné.

 

Désormais, je ne baisse plus les yeux ni la tête, mais j’avoue que, même en ayant atteint la trentaine, quand je suis seule dans l’espace public, je suis toujours aux aguets. Jamais je ne m’accorde le droit de sourire, pour éviter de susciter l’envie. Il y a toujours une part de mon visage qui ne m’appartient pas et qui m’est volée, que je modifie pour me protéger, pour ne pas donner l’impression que je suis consentante et que, de ce fait, mes cuisses vont forcément s’écarter.

Oxygène anxiogène & harceleurs masqués
Oxygène anxiogène & harceleurs masqués

Oxygène anxiogène & harceleurs masqués

publié le 04/08/2020 - par Les femmes déchaînées

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Depuis le début du confinement je sors peu. Uniquement par obligation, pour faire les achats de premières nécessités. Je reconnais que l’espace public, au vu de mon caractère, ne me manque que très peu, même si flâner le nez au vent, pour regarder architecture, façades et les oiseaux gazouillants, est un plaisir dont l’absence se fait sentir. Voilà des semaines que je ne mets plus le pied dehors que pour le primordial.

Je n’ai jamais été à l’aise dans l’espace public. Enfin, depuis que j’ai des seins. Enfant j’étais peu sociable, mais aller marcher ou faire du vélo me ravissait. Dès mon adolescence, à force de me faire harceler, j’ai commencé très vite à ne plus être capable, pleinement, d’apprécier mes sorties, à ne plus savourer ; occupée que j’étais à repérer très vite et de très loin les harceleurs que je risquais de croiser. Vigilante en particulier envers ceux qui avec leurs comportements insistants et insultants me donnait l’impression d’être de potentiels ravisseurs et violeurs. J’ai appris à me positionner toujours de façon à avoir une porte de sortie. Je sentais qu’avec certains un refus, concernant leur intérêt pour ma petite culotte, aurait pu me coûter des crachats, des contusions, ma dignité ou la vie.

On connait tous, depuis quelques années, grâce à ses femmes qui ont enfin osé déverrouiller le sujet, en le racontant ou le filmant, ce phénomène du harcèlement de rue, qui réduit les femmes à du gibier, dès qu’elles mettent un soulier à l’extérieur de leur maisonnée.

Moi, depuis la fin de mon enfance, je me méfie, je reste aux aguets en permanence. Je ne relâche mon attention qu’un peu et uniquement quand je suis accompagnée, car lorsque l’on est plusieurs, pour les harceleurs, les proies deviennent plus difficiles à agresser.

Dès le début du confinement j’ai respecté les règles sanitaires : sortir à minima et surtout sortir seule. Je ne me suis jamais autant sentie aussi insécure en pleine journée. Peu de monde dans la rue, fatalement une facilité pour les hommes mal éduqués de venir m’interpeller en toute impunité, avec personne pour m’aider. J’ai redoublé d’attention et d’appréhension. Je me suis consolée en me disant que ça irait mieux quand nous pourrions ressortir une fois la pandémie passée, ou du moins une fois le déconfinement annoncé. Alors que ce « mieux » ne serait que l’acception de ce qui est une norme approuvée actuellement dans notre société. Mais ça je ne voulais pas me l’avouer.

Je vis en France, et le déconfinement a commencé, libérant les habitants, ainsi que les fauves privés depuis des mois de pourvoir harceler. Je continue à n’aller dehors qu’en cas de nécessité, (courses et travail), et déjà en une semaine, je me sens flouée. Les chasseurs en manquent sont lâchés et maintenant, pour la plupart, masqués. Il apparaît que je suis encore moins en sécurité. L’espace public, en raison de mon sexe, continue à être régulièrement une agression, quand j’ai besoin de l’utiliser.

Les hommes qui m’abordent – de manières plus ou moins agressives, grossières et insistantes – n’ont plus de visages, juste des yeux et une voix étouffée, pour me faire savoir que je suis à leur goût et qu’ils aimeraient bien pouvoir me sauter. Maintenant camouflés, je ne peux plus les décrire ni les décrypter, ou juste retenir leurs visages, pour passer au large quand je vais les recroiser, pour mieux les éviter.

Je n’y avais pas songé, je ne sais pas pourquoi je ne m’attendais pas à les revoir ces êtres pour moi d’un autre siècle, ces hommes malveillants mal éduqués, qui pensent encore que les femmes sont des femelles à venir saillir et salir sous leur volonté. Dans ma tête, j’avais dû les refouler, ces mecs qui pensent, dur comme fer, qu’un cul dans la rue mérite son dû.

Bécasse, j’ai osé croire que le combat du l’écologie, du climat et la lutte contre la pandémie, les auraient rendus sages, inoffensifs, car préoccupés et stressés par ces plus importants sujets, tels que la survie de la planète et de l’humanité. Que nenni, ce mirage est fini.

Je voudrais bien pouvoir me concentrer sur le fait que notre société de consommation doit évoluer, mais à la place, j’en suis encore à lutter contre le fléau du sexisme qui n’a pas bougé.

Le monde est devenu encore plus anxiogène. Quand je dois aller dehors, sous mon masque j’ai l’impression de manquer d’air, mes respirations me semblent devenir délétères. Avec mon visage entravé, pour ma propre sécurité, c’est déjà comme si l’oxygène et la liberté, ligués, me narguaient, après toutes les nécessaires privations des semaines passées, à venir et qui vont durer.

Sous mon bout de tissu homologué, je suis comme prise dans un tourbillon, je valse entre la peur du virus et celle, comme pour beaucoup de femmes et comme toujours, de l’agression.

Mais, eux, sous leurs masques, ces harceleurs de rue, en rut comme jamais, se sentent sans doute encore plus protégés, par cet anonymat, de leur méfaits.

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SOPK, une joie toute féminine
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SOPK, une joie toute féminine

publié le 18/08/2020 - par Le string magazine

correction : Fanny Le Borgne

(illustration par Le string magazine)

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On ne naît pas femme, on le devient.

Souvent dans la douleur, d’ailleurs.

 

Je suis une crevette anorexique, je pèse 24 kilos pour 1,40 mètre, je suis un haricot vert, un fil de fer. J’ai 11 ans et je vais prendre cher.

 

La scène se passe au collège, en 5e, c’est l’heure de la pause et une fille de ma classe, fière sans doute d’avoir eu ses toutes premières menstrues, demande qui dans le groupe de filles présentes ne les a jamais eues. Sans doute qu’elle se sent supérieure, plus femme que les morpionnes autour d’elle qui n’ont probablement pas encore toutes fait la découverte des joyeusetés de la puberté.

                                                                       

Elle se rengorge, fait pigeonner sous son tee-shirt Pimkie bon marché les deux monticules qui lui ont vaguement poussé, histoire d’annoncer que pour elle, ça y est. Elle est une femme, plus une gamine avec de la morve au nez. Moi, mes règles, je ne les ai jamais eues et, de toute manière, je suis alors bien trop pudique pour aborder en public un tel sujet, alors je me tais.

 

La puberté, comment on fait les bébés, on me l’a déjà expliqué, pas à l’école mais dans ma famille, aussi j’en ai une vague idée et honnêtement je ne suis à l’époque absolument pas pressée d’avoir mes règles, je m’en tamponne, je ne suis pas émoustillée à cette idée.

 

Mais ma camarade de classe me porte la poisse. Pendant le trajet de retour, dans le métro, voilà que je ressens comme des coups de poignard dans le bas de mon ventre. Je pense que je suis malade, mais je ne panique pas, de toute façon j’arrive bientôt chez moi.

 

Le fond de ma petite culotte en coton taché par la rouille, qui est la raison de ma dérouillée, me fait comprendre que je ne vais plus y échapper. Ça y est, je suis réglée.

 

Commence pour moi un long chemin de croix. Mon corps a décidé que je ne serais pas une jeune fille et une femme lambda. Je vais souffrir le martyre pendant des années

 

J’ai des règles hémorragiques, particulièrement abondantes comme un petit goret qu’on viendrait de saigner, qui durent en général a minima trois semaines sans s’arrêter, je pisse littéralement du sang, à devoir changer mes protections toutes les heures pour éviter de me retrouver tachée en public, ce qui devient pour moi une vraie terreur.

Dieu merci, entre deux cycles apocalyptiques, j’ai tout de même le droit à une semaine – voire parfois deux et demie – sans tout ce sang qui sort de moi dans la douleur et qui me salit.

 

Oui, qui me salit, parce que je me sens en permanence souillée à baigner dans du sang noirâtre et compact qui me fait souffrir comme jamais. Les semaines où mes culottes me foutent la paix, mes ovaires ne me lâchent pas et continuent à tambouriner en moi.

Si c’est ça être une femme, j’aimerais autant que ça se passe sans moi.

 

En bref, je suis gâtée, ma féminité commence par des tortures que mon propre corps ne cesse de m’infliger. Et, en bonus, j’ai le droit aux jugements de ceux qui n’ont jamais vécu ça et qui ne comprendront pas que je ne suis pas juste une chochotte qui a envie de se faire plaindre dans sa puberté à peine amorcée.

Moi, je me prends des décharges dans le ventre que même des boxeurs aguerris auraient du mal, dans la durée et la répétition, à encaisser.

 

Ma mère s’alarme vite : passé les premiers mois à me voir souffrir sans amélioration, elle me traîne chez des médecins généralistes, puis chez des spécialistes. S’ensuivent des batteries d’examens ou de tests mal vécus – en général, adolescente, on rechigne pas mal à être mise, d’une manière ou d’une autre, à nue.

 

Par chance, le couperet tombe très vite : j’ai le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). Je dis « par chance », car je sais que certaines femmes ne sont diagnostiquées que très tardivement, et qu’elles subissent pendant des années l’incompréhension devant leurs maux sur lesquels personne n’a mis de nom. Sans doute parce que les petites tracasseries féminines, on s’en fout, au fond.

 

À moi la douleur, les poils, l’acné, le corps qui change, le poids qui varie, la fatigue chronique, la joie de serrer les dents en silence. Mes ovaires bourrés de multitudes de follicules au développement inachevé, ressemblant à des kystes prêts à exploser, ont décidés de m’en faire baver.

À moi aussi le manque de tact d’à peu près tout le monde, des copains-copines qui ne comprennent pas que je manque d’énergie, du prof de sport qui se moque de moi en public parce que pour la troisième semaine consécutive je ne peux pas aller à la piscine, et surtout du médecin qui me sort que je n’aurai probablement jamais d’enfants, naturellement, alors que je n’ai même pas atteint mes 14 ans.

 

Moi, à 14 ans, j’en ai déjà plus que marre : être une femme, la bonne blague, mon propre corps me prend pour une poire.

 

Je rentre dans une valse de rendez-vous médicaux, tous des plus déprimants. Assortis d’une multitude de traitements inefficaces et contraignants, dont certains se sont avérés être des poisons.

Salutations à toi, Androcur, dont on sait maintenant que tu provoques des problèmes de tumeur au cerveau : je t’ai pris pendant des années, en théorie il faudrait maintenant que je fasse une IRM au moins deux fois par décennie.

Ainsi, mes problèmes gynécos auront peut-être un jour raison de mon cerveau.

De toute manière, aucun traitement ne marche parfaitement, j’obtiens parfois seulement un peu de moins pire à défaut d’un peu de vraiment mieux.

 

Je finis par en avoir ma claque de mes rencards réguliers avec le monde médical, de tester tout un tas de traitements que je ne vois plus que comme des Smarties qu’on me fait avaler pour faire semblant de me gérer. Moi, je commence à désespérer.

Je me sens comme un cobaye, un animal de laboratoire sur lequel on teste un peu n’importe quoi. J’ai l’impression que ma gynéco me prescrit quelque chose uniquement pour me/se donner l’impression qu’elle ne me laisse pas repartir en n’en ayant rien à faire du calvaire que je ne cesse de subir. La pauvre, elle se débat en réalité sans parvenir à me soulager.

Chaque changement, chaque nouvel essai me force à prendre d’autres médicaments : un traitement hormonal, plus une pilule, plus un antimigraineux destiné aux épileptiques, plus un peu de ci et un peu de ça, plus le cholestérol qui explose alors que je mange correctement, plus le potassium qui baisse dangereusement, plus mon taux de fer qui s’écroule, s’écoulant avec mon sang.

 

Un matin de mes 24 ans, je me suis levée et j’ai vu sur ma table de petit déjeuner toutes les boîtes de médicaments que j’avais à prendre chaque journée. Et j’ai compté le nombre de pilules et de trucs à avaler que ça me faisait.

Une vingtaine de merdes en tout genre pour contrecarrer les effets indésirables des unes et des autres, tout ça pour une efficacité toute relative.

 

J’ai dit stop, j’ai tout arrêté.

 

À la place, j’ai eu des règles à peine plus hémorragiques, des douleurs abdominales abominables qui n’ont fait qu’à peine s’accentuer, et toujours l’incompréhension des gens autour, qui ne croient pas que ça puisse faire autant souffrir.

Mais j’ai arrêté de RUINER mon corps. J’avais la vingtaine et j’étais blindée de médicaments comme une petite vieille.

 

Actuellement, mes syndromes se sont en partie résorbés, ou alors je suis simplement devenue maso et j’ai fini par m’habituer. Je souffre moins qu’adolescente, mais peut-être parce que je me suis faite à l’idée de souffrir.

 

Le SOPK toucherait environ une femme sur dix. Manifestement, ce n’est pas assez pour donner envie aux laboratoires et au corps médical de vraiment s’y intéresser. Les petits bobos gynécos des femmes ne sont manifestement pas vendeurs. Après tout, il suffit qu’on se contente de souffrir en silence, en gardant notre pudeur.

 

Moi, en attendant, en tant que femme, je ne suis jamais seule, j’ai toujours un de mes kystes pour venir régulièrement me saluer, des fois que je serais tentée de les oublier.

Soupe de nibards

Soupe de nibards

publié le 12/09/2020 - par Les femmes déchaînées

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L’été, c’est la guerre. Une guerre sale, un combat d’office inégal. Les corps de femme sont encore plus soupesés, jaugés, jugés. La chair dénudée devient de la viande offerte, ou qui gêne, pour les personnes mal éduquées. Problème de notre monde judéo-chrétien qui sexualise à tout va la nudité.

 

Un téton qui se devine sous un tee-shirt, des manches courtes ou inexistantes, des cuisses et des épaules découvertes qui affrontent la rue et on réduit les femmes encore plus à leurs culs.

 

La chaleur frappe le bitume, la bêtise des passants nous gifle en pleine face. On se reçoit en permanence leur frustration sexuelle et leur amertume. Les trottoirs et l’espace public, à de trop nombreux endroits, deviennent des lieux de non-droits.

 

On frissonne à l’idée de déambuler seule, on essaie de ne pas penser à l’avance à cette idée qu’on va forcément se faire accoster et emmerder. Alors, souvent, on réfléchit longuement à nos vêtements, à l’impact d’une peau qui aurait le — faux — culot d’en montrer trop.

Souvent on préfère encore crever de chaud. Et puis on se résonne, on se dit merde, et que même l’hiver en col roulé on se fait déjà agresser. Alors on hausse les épaules et d’ailleurs on les sort pour les faire bronzer.

 

En ville, il y a encore la barrière, presque protectrice, de tenter de se croire pas totalement en zone hostile. Mais quand la plage ou les points d’eau pointent le bout de leurs nez, quand il s’agit de passer « l’épreuve du maillot de bain », celle de s’assumer, il faut encore y additionner le problème de l’affrontement cru entre la nudité et le manque d’intimité. Parce qu’on vit avec des idiots conditionnés pour tout sexualiser.

 

On laisse sur nous, enfin sur les plus courageuses, quelques centimètres carrés de tissus bien placés, parce qu’il faut protéger nos organes sexuels ou qu’on considère comme sexués. Parce qu’on fait tous comme si on était les seuls à en être équipés, parce qu’on a un vrai problème avec la nudité.

D’ailleurs les moins téméraires n’osent même pas franchir le cap, et restent à crever de chaud et à ne pas en profiter, par peur des railleries, par complexes factices, que la société créée de toutes pièces, qui nous rendent toutes plus ou moins dysmorphophobiques.

 

Si en plus le corps n’est pas normé, ne correspond pas aux canons à la ramasse de la beauté, on est sûre d’être à la fois moquée et agressée, par des dragueurs à deux doigts d’être des violeurs. Oui les deux doigts qu’ils rêvent de nous coller quand ils nous regardent passer, quand ils viennent s’installer sur le sable uniquement pour mater, dans l’espoir de consommer. À défaut, à cause des échecs perpétuels qu’ils provoquent eux-mêmes avec leurs comportements dégradants, ils se rincent l’œil en nous versant tout leur trop-plein de rancœur et de saleté. Ça finit souvent en pugilat verbal, en mots qui, si on y est sensible, peuvent faire très mal.

 

Difficile de trouver une zone neutre et bienveillante, impossible d’ailleurs seule de profiter de son maillot de bain. On ne sait jamais, maman et mémé nous l’ont suffisamment répété, les générations et la fausse modernité n’ont rien changé ; et puis au fond, on sait ce qu’on risque, on a connaissance en tant que femme qu’on ne sait jamais ce qui pourrait nous arriver.

 

Dans la rue comme à la plage, la liberté pour le corps des femmes se fait désirer. On nous demande d’être belles à en être irréelles, de se montrer et puis on se fait insulter. Le corps des femmes est un objet, on a tendance à oublier qu’il y a un être humain dedans, une personne qui ne fait qu’exister, qui n’est pas là pour exciter.

 

On nous demande de nous entretenir, d’être normée, mais attention, il faut aussi veiller à ne pas outrepasser : il ne faut pas montrer qu’on s’aime (pour) soi-même et qu’on se foute du regard masculin, qu’on existe sans, qu’on n’y porte pas d’attention. Il ne faut pas faire ressentir notre désintérêt ni notre dédain.

 

Il faut être belle, mais fragile. Ne pas s’assumer, montrer que l’on attend l’approbation des mâles qui ne se posent à ce sujet pas vraiment de questions. Attention, à celles qui oseraient afficher qu’elles vivent leur demi-nudité pour elles-mêmes, et non pas pour le regard de l’homme, et pire encore sans sourciller sur le sujet : il y aura des rebuffades à la clé.

Parfois même une amende pour celles qui oseraient dévoiler un téton qui devrait s’excuser d’exister. On nous demande d’être des jolies choses esthétiques pour l’autre sexe, mais surtout pas d’en profiter pour nous aimer, interdit d’avoir envie simplement et librement d’exister.

 

Des corps de femme en maillot qui nagent avec plaisir dans l’eau et c’est une soupe de nibards sur le menu de ceux qui ne voient les femmes que comme des objets sexualisés.

Un peu trop de bien être, d’amour pour soi-même, d’acceptation et de bienveillance envers nos corps, un short court ou un topless, et tout en rêvant de nous culbuter, on nous punit pour un peu de peau qui se montre quand il fait chaud.

 

La femme a un corps et des tétons. Quel culot !

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L'art du mépris - Remaniement
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L'art du mépris

ou le remaniement de la honte

20/09/2020 - Rebecca Rotermund

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J’ai toujours eu beaucoup de mal avec le monde politique, et pourtant j’ai travaillé un court instant sous les ors de la République.

 

Petite, je méprisais les longues conversations des adultes sur la politique, sujet d’un ennui mortel, débats pourtant passionnés, mais qui ne me fascinaient guère. Je n’y voyais qu’une lutte absurde et manichéenne entre les gentils et les méchants, ceux qui voulaient sauver le monde, et qui se battaient contre des moulins à vent, et ceux qui, pour se goinfrer sans respect, mordaient dedans.

Dans ma tête, pendant les apéritifs ou repas festifs auxquels j’assistais, j’appelais ces moments des con-versations, mes oreilles se bouchaient et je partais loin dans ma tête à rêvasser. Je voyais bien que ma sœur plus âgée avait les oreilles dressées, mais pour moi rien n’y faisait.

La faute à Victor Hugo et à ses Misérables, cassette audio que l’on m’avait offerte pour le Noël de mes sept ans, relatant une histoire sociale, roman de la misère humaine, qui ayant beau dater du XIXe siècle était toujours autant d’actualité.

Dans ce roman, je voyais que les pauvres restaient pauvres et miséreux, se battaient contre la société, contre les préjugés, pour finalement mieux en crever. C’était poétique et épique, mais ça ne me faisait pas rêver, ne me donnait pas l’envie de le transposer dans ma réalité. Jean Valjean avait beau connaître une évolution morale, passant du statut de victime de la société, puis réussissant à s’élever progressivement vers la bonté et la sainteté, je voyais juste qu’il ne faisait qu’en chier.

Pour moi, Victor Hugo, c’était comme les fables de la fontaine, de belles histoires sociales avec de la morale, mais que personne n’appliquait. Les pauvres seront toujours des pauvres, et le veau gras sera toujours sacrifié sur la table des plus remplumés de la société.

Je voyais bien, moi, du haut de mes sept petites années, les deux constructions de types bidonvilles qui se cachaient derrière des palissades dans mon quartier, pendant que nous, classe moyenne miséreuse, faisions office de riches dans notre maison de maître en pierre. Logement de fonction, prestige, qui en réalité nous servait à combler les fins de mois d’une classe moyenne qui surnageait à grande peine dans sa caste verrouillée, avec en face, pas loin, les tôles ondulées et rouillées de ceux que la vie prenait grand plaisir à dérouiller.

Alors, dès qu’un sujet politique et social dans la bouche des adultes apparaissait, je ne voyais que cela : des humains qui se battaient comme des perdus, des Don Quichotte malvenus, ou des personnes pompeuses qui se gargarisaient de belles idées et de fausses vertus.

On m’a traînée une ou deux fois à la fête de l’Humanité, de force, contre mon gré. J’ai détesté la promiscuité, le bruit, les odeurs de graillons et cette fausse joie de foule remplie d’un espoir compréhensible, mais qu’en petite pessimiste je ne partageais pas. J’étais agoraphobe, forcément j’ai détesté, et j’ai annexé dans ma tête cette souffrance que j’avais ressentie à la fausseté des supers héros qui font semblant d’en avoir quelque chose à foutre de nos vies. Alors qu’en réalité il n’y avait probablement dans ce rassemblement une majorité d’êtres humains remplis de l’envie d’améliorer nos vies.

De toute manière, depuis mes six ans, j’avais décrété être royaliste. J’étais fan de Louis XIV, parce que quitte à être despotique je me disais autant avoir le culot de proclamer l’être de droit divin, et faire rayonner le pays, tout en le saignant à blanc, ce que faisait il me semblait nos gouvernements. Je ne voyais pas la différence entre un roi et nos politiciens qu’on avait là. Pour moi, une oligarchie valait bien une monarchie. Fausseté de notre démocratie.

Pendant mon enfance j’en restais là, bassinée par un sujet pour lequel je n’avais que mépris. Je n’avais pas compris que ce dédain que je ressentais ne serait que le pâle reflet de celui que le gouvernement me renverrait.

 

Cet art, certes contestable, de voir le monde en noir et blanc, sans nuances, dès que l’on me parlait de politique, avec les riches et puissants d’un côté, prêts à n’importe quoi pour le rester, et les pauvres gens que l’on méprisait et qu’on laissait crever, se colora quand ma préadolescence arriva.

Je ne voyais toujours dans les politiciens qu’une étrange race, qui n’en avait pas, née avec une cuillère dans la bouche et prête à nous la coller au porte-monnaie pour y racler tout ce qui pourrait s’y trouver. Des suceurs de moelles, des vampires uniquement là pour leur intérêt.

J’y ajoutais encore les quelques clampins qui croyaient vraiment pouvoir tout révolutionner et tout changer. Mais je m’en étais vite méfiée. J’avais lu dans un livre d’histoire, qui traînait chez nous, qu’au final le chef d’État qui avait fait le plus de morts était Joseph Staline, en réalité c’est Mao Zedong, mais je n’avais pas l’information, du coup c’était bien un coco(1), et pourtant, si j’avais bien compris les adultes qui m’entouraient, c’était bien ces gens-là qui voulaient sauver l’humanité ?

Trop jeune, un melting pot d’idées et d’absurdités embrouillait et habitait mes pensées. Comment mes proches, profondément humanistes, pouvaient voter pour des tarés qui vous collaient au goulag pour vous y laisser agoniser ?

Vers mes onze ans, je crois, j’ai bouffé tout Zola. La saga des Rougon-Macquart est arrivée première dans mon top ten pour me faire passer mon été, ça remplaçait les téléfilms de la belle saison, moi qui ne la regardait jamais la télévision. Et j’ai découvert ainsi qu’il me faudrait apprendre à nuancer.

En suivant l’épopée de cette famille et de sa généalogie, je voyais qu’il y avait à ajouter une nouvelle catégorie : les arrivistes, ceux qui partent de moins haut que les rupins, ceux qui ont les dents qui rayent le plancher pour atteindre les sommets dans lesquels ils ont l’éternel regret de ne pas être nés. Les petits bourgeois, ceux qu’on ne fréquentait pas.

Ça m’a fait basculer mon monde en noir et blanc, ou en rouge et noir (pour les communistes, pas pour Jeanne Mas), à un monde tout en grisailles. Mille et une tonalités pour mille et un crevards prêts à nous vendre n’importe quoi pour être sélectionnés, élus et nous enfoncer.

Voilà comment préadolescente je voyais la politique et les élections : des jeux du cirque dévoyés, truqués, pour divertir le peuple et lui donner l’illusion qu’on en a quelque chose à foutre de sa réalité.

 

En classe de troisième, pendant un cours d’éducation civique, j’appris que le vote blanc n’était pas comptabilisé, et comme je ne m’imaginais pas voter pour des cons aux convictions que je ne partageais pas, et que je ne pourrais pas faire entendre par ce biais ma voix, j’avais décidé que je ne voterais pas.

Adolescente, et forcément un peu rebelle, je prenais le parti de dire à tout va que moi je ne participerais jamais à ce jeu dominé par des élites occupées à nous gruger. Ça faisait rire les copains, ça crispait gentiment la famille et les proches, qui se consolaient en se disant que c’était une façade, une pose que je prenais pour épater, mettant ma réaction apolitique sur une phase de rébellion de l’âge con.

Or il n’y avait pas de pose ni d’attitude, simplement déjà une grande lassitude : pourquoi se lever et gueuler, jouer le jeu d’aller voter, puisque mon avis ne serait pas pris en compte et d’aucune utilité, je ne voulais pas voter pour des cinglés du pouvoir et autres dégénérés. Mon avis restait tranché.

Puis sont arrivés les résultats du premier tour des présidentielles de 2002, poisson d’avril en retard de vingt jours, qui ne m’a pas fait rire du tout. La droite contre l’extrême droite. Mais je n’ai pas pu choisir entre la peste et le choléra, parce que je n’avais pas l’âge de voter, malheureusement à quelques mois près. En tant que Française d’origine étrangère, je me suis sentie personnellement insultée, haïe dans le pays où j’étais née, et ce par au moins 17 % des Français qui avaient voté.

Le monde politique se bâtissait en blâmant et stigmatisant mes origines et la personne que génétiquement et culturellement j’étais. Et pour la première fois j’ai cru que voter serait une bonne idée, au moins pour colmater la connerie de ceux, racistes, qui s’y adonnaient.

Ma posture s’est fissurée. Et je me suis reniée en me disant qu’il valait mieux participer, jouer le jeu, aller aux urnes par acquit de conscience, mais sans conviction, pour colmater le pouvoir des nuisibles, des malfaisants et des idiots.

 

Jeune adulte, en tout cas légalement, je suis donc allée mettre mes petits bulletins dans des enveloppes, bien cachée à chaque fois dans un isoloir. Petite et dyslexique je confondais d’ailleurs ce mot avec urinoir ; présentement, je les appelle les abattoirs, endroit pour moi ou le bétail qui compose la plèbe — dont je fais partie — vient s’accumuler pour essayer chacun à sa — mauvaise — manière de lutter, pour mieux contrecarrer ou porter au pouvoir les politicards qui ne voient en nous que des vaches à lait.

J’ai appris à devoir voter contre mon grès. Je me suis consolée en me disant que les femmes avaient lutté pour obtenir ce droit de pouvoir participer.

Jeune femme, j’ai essayé de positiver, j’ai eu un vague espoir quand j’ai vu que le mariage homosexuel devenait une réalité. En 2013 j’ai failli croire que la société et que notre gouvernement était prêt, au moins sur certains sujets, à évoluer. C’était sans compter sur la déferlante de haine que ça a engendrée. Et puis j’ai réalisé que le texte de loi ne donnait pas exactement les mêmes droits que pour les hétéros bien normés. L’homosexuel en France reste un demi-être avec des demi-droits pour que l’on continue bien à le différencier et à le montrer du doigt.

L’année 2017 nous a fait revivre la mauvaise blague de l’émergence, maintenant presque bon ton, du racisme. Là encore, la question s’est posée : voter par indignation, et jouer malgré moi le jeu, ou laisser pisser et renoncer pour tous les désavouer, et risque de voir un pouvoir fasciste gagner.

 

Cette année, le gouvernement, après m’avoir offensée par le biais de mon patrimoine génétique et ethnique, puis du fait de mon orientation sexuelle, insulte maintenant mon genre en me montrant ouvertement son mépris, qui n’est plus latent, mais s’affiche clairement.

Ce second et ridicule remaniement nous fait à nous femmes un nouveau pied de nez, membres du sexe considéré comme faible, nous les féministes qui refusent de rester cloisonnées dans ce statut offensant et imparfait, terriblement rétrograde et que le XXe siècle ne devrait pas avoir dû laisser perdurer. Les divers mouvements, notamment #Meetoo, et les langues qui se sont déliées sur les sujets n’ont rien changé. La femme est un être de caste inférieur qui peut être ouvertement piétinée.

Que dire après cela de la loi sur la PMA, qui fait des personnes homosexuelles des demi-parents, des êtres juridiquement au rabais.

Gouvernement, ton remaniement est une insulte des gouvernants envers les gouvernés. Une claque en plein visage que tu ne prends même pas la peine de cacher.

Le cul entre deux chaises, je reste coincée, en tant que femme, de surcroît d’origine étrangère et dans ma bisexualité. Je vote par dégoût pour ne pas finir encore et toujours plus salie et à genoux.

 

France quand tu ne nous baises pas, mais que tu essaies de nous embrasser, que tu tentes de faire des concessions sur ton esprit réac, qu’on voudrait voir appartenir au passé, c’est pour nous laisser des suçons qui ne font que nous laisser encore plus stigmatisés. Tes baisers nous laissent de très laides marques de succions, preuves de ton sadisme et de ton profond désintérêt pour la souffrance des êtres que tu es censé représenter.

 

Quand j’ai travaillé sous tes dorures, à crever de rage avec mon salaire de misère qui ne me permettait pas de vivre décemment, j’ai vu les fous, les malades du pouvoir, ceux qui sont là pour s’aiguiser les dents, les présents pour la gloire, le carnet d’adresses à étoffer, le nom à faire briller, les pompes à se faire cirer.

Et puis j’ai admiré la minorité, petites brebis laborieuses présentes par passion pour défendre leurs idées et leurs dossiers, bouffés par les loups, grignotés au fil du temps, se perdant à l’usure de leur travail et de sa démesure.

J’ai vu aussi comment des personnalités humbles se sont laissées tourner la tête et sont devenues des divas, des princes et princesses qui n’en faisaient plus qu’à leur tête, caprices à tout va et dépenses du contribuable à tour de bras.

J’ai épongé leur mépris de la population et des administrés, et celui aussi qu’ils me renvoyaient.

Mais j’ai également rencontré ces personnes qu’enfant j’avais méprisé : ceux qui se battaient pour un monde avec plus d’humanité.

 

République je t’ai méprisée quand j’étais petite. Puis j’ai voulu jouer le jeu et participer en citoyenne active à te construire en mieux. J’ai voté, j’ai travaillé pour toi en territoriale, en centrale, en établissement public et dans un de tes cabinets ministériels ; moi qui aie été à ton service, pourquoi te sens-tu obligée, en tant que femme d’origine étrangère et membre de la communauté LBGT, de me mépriser ?

 

Avec la politique, j’ai appris que le mépris est un art que tout le monde ne peut pas se permettre de posséder.

 

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(1) J’adorais les appeler comme ça, ça avait le don d’énerver mes parents.

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Lycéennes, France & censure
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Lycéennes, France & censure,

Ou la mauvaise éducation n’est pas celle que l’on croit

29/09/2020 - Rebecca Rotermund

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Merci à l’IFOP de faire son travail et de nous partager les opinions — pathétiques — du bon français moyen. Merci à eux de nous relayer et de nous faire savoir à quel point notre pays est une contrée puritaine, pudibonde, misogyne, baignant dans le la culture judéo-chrétienne, ou judéocrétine, porteuse d’une vision éternellement mauvaise et sale de la femme et de son corps.

Merci à tous les pervers français mal éduqués, butés, bornés, figés dans leurs pensées d’un autre temps qui est pourtant toujours aujourd’hui notre présent. À l’heure où notre société et son peuple croient avoir leurs mots à dire sur les tenues que peuvent se permettre ou non les lycéennes, la France a parlé et la connerie et le sexisme ambiant ont encore une fois triomphé.

 

Après le sondage nous apprenant que des tétons qui se devinent sont pour 20 % des Français une circonstance atténuante pour mieux comprendre le geste des agresseurs, après les amendes punitives infligées à des femmes seins nus sur nos plages, voilà maintenant, dans le contexte d’un été et d’une rentrée caniculaires, la parole offerte de nouveau au moindre quidam concernant les tenues des femmes. Il est venu l’heure de juger les tenues des toutes jeunes filles, des adolescentes sur les bancs des écoles, des lycéennes qu’on va encore une fois nous faire passer pour des salopes, des allumeuses et des chiennes, alors que le problème est celui de la mauvaise éducation des hommes et des garçons, et celui de la frustration de certaines femmes nourries au jus d’un machisme qui doit leur sembler être leur salut et une règle à ne pas remettre en question, car absolue.

 

Demander à des adultes de juger la tenue d’une adolescente en les sexualisant, c’est de la pédophilie. Demander à des adultes de juger la tenue d’une adolescente ou d’une femme pour essayer d’en tirer des règles et des interdictions c’est de la censure.

Ne pas demander aux femmes ce qu’on pense de vos études d’opinions à la con concernant ce qui ne vous concerne justement pas, c’est-à-dire ce que nous voulons nous femmes faire de nos corps, c’est nous mettre une muselière et jouer le jeu d’un patriarcat misogyne et pédophile qui sexualise la femme à tour de bras.

 

Ici, la mauvaise éducation n’est pas celle que l’on croit : il ne s’agit pas de très jeunes filles mal éduquées qui n’ont pas conscience de la portée d’un mini-short ou d’un centimètre carré de peau dénudée, mais bien celle d’une société tellement sexiste qu’elle réduit éternellement l’anatomie des femmes à un objet sexuel.

Le vrai problème des Français qui ont répondu à ce sondage, c’est que les femmes ont un corps qu’ils sexualisent à tout bout de champ. Le vrai sujet c’est cette vision de pervers obsédés, de mâles frustrés et de femmes soumises à leur condition de femme-objet.

 

La solution est on ne peut plus simple, il ne s’agit pas ici de règlement intérieur au sein des écoles ou de poser des interdictions : arrêtez de sexualiser la femme !

Deux options : Éduquez-vous et éduquez vos proches et vos enfants ; ou castrez chimiquement les personnes qui s’excitent toutes seules à la vue de 2 cm de peau. Ça évitera aux lycéennes d’avoir honte de leurs corps, d’être réduites entant qu’être humain à des bouts de viandes, ou pour faire plaisir aux idiots de devoir mettre un poncho, sauf si c’est très exactement ce qu’elles même souhaitent mettre sur leur dos.

Désacraliser la virginité

Désacraliser la virginité

ou pourquoi préférer punir les femmes qui ont besoin d'un certificat ?

09/10/2020 - Rebecca Rotermund

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Au nom d’une laïcité, inexistante puisqu’à double vitesse, car comme nous l’a annoncé Darmanin, « les catholiques n’ont rien à craindre », les certificats de virginités pourraient être interdits. Sous couvert de libérer la femme, en réalité en parti pour stigmatiser des religions qui ne sont pas pour eux pas la bonne et par racisme, des hommes, encore une fois, qui ne voient pas plus loin que le bout de leurs nez, prennent la décision de mettre en danger les personnes du sexe opposé. Véritable volonté de libération de la femme ou non, il nous faut maintenant prendre la parole et leur faire comprendre qu’il s’agit d’une vraie fausse bonne idée.

 

Messieurs, tant qu’un dépucelage ou un passé sexuel seront considérés par la majorité d’entres-vous comme une dévalue ou l’équivalent du krach boursier de 1929, ôtant une valeur aux femmes, tant qu’une fine membrane, qui rappelons-le peut très bien se rompre toute seule suite à certains chocs que le corps reçoit et que toutes les femmes ne possèdent d’ailleurs pas à la naissance, ce certificat, certes d’un autre temps, sauvera des vies.

Je vous vois venir tout de suite avec votre hypocrisie à base de : « Oui, mais moi je ne dévalue pas une femme qu’elle soit vierge ou non, qu’elle ait déjà eu des amants ou non. » Tant mieux pour vous, je vous en félicite, ce que je ne devrais même pas avoir à faire. Cependant, il n’en reste pas moins que si vous êtes honnête en le disant et si nous voulons l’être : vous faites, malheureusement, partie d’une petite goutte d’eau perdue dans un océan de mauvaise foi. Avouez que lorsque vous fréquentez une femme vous préfériez clairement que celle-ci ait eu avant de vous connaître le moins de vie sexuelle possible, et que si celle-ci devenait la femme de votre vie, vous n’auriez rien contre le fait qu’elle vous eu attendu sagement avec sa virginité en offrande pour vous remercier de l’honneur que vous lui faites en la choisissant elle.

Je vous attends également avec votre autre argument consistant à venir me dire que des femmes, elles aussi, accordent de l’importance à la préservation de leur hymen. Cela est un fait que je n’ai pas à contester. Chacun est libre de ses opinions. Cependant si des siècles d’oppressions sociétales liés à ce sujet n’avaient pas existé, si la femme n’était pas considérée comme une valeur marchande, si le mariage n’était pas synonyme de transaction, s’il ne s’agissait pas d’acheter par celui-ci un ventre « pur » pour être sur que les graines qui y germeront seront incontestablement les vôtres, si le romantisme fleur bleue et gnangnan qu’on nous enseigne de force et sans y penser avec les contes de fées et autres histoires à dormir debout qui nous assènent de nous préserver pour le bon prince charmant, probablement que les femmes n’y accorderaient pas d’importance. Ce qui est le cas dans les sociétés que nous aimons appeler « primitives », ou dans les trop peu nombreuses relevant d’un système fonctionnel de type matriarcat.

Néanmoins, je vous le dis : interdire et pénaliser des médecins, c’est in fine pénaliser la femme derrière qui en a besoin comme protection.

J’en ai moi-même connu une pelletée d’hommes, à la vie sexuelle active, qui ne voulaient pas d’une femme dépucelée, à la valeur pureté marchande périmée parce qu’un autre avait déjà brisé sa virginité, mais qui seraient prêts à tuer pour obtenir le dernier Iphone à prix réduit parce que quelqu’un y aurait déjà posé ses doigts et s’en serait déjà servi. Cela donne une idée de la valeur qu’on accorde à la femme, à la féminité, à l’entièreté de sa personne réduite à un sexe qui n’a pas les mêmes droits que celui d’un homme à qui l’on ne demandera jamais de comptes et qu’on ne jugera pas pour son usage.

 

Accorder de l’importance à la virginité, c’est donner plus d’importance à l’hymen qu’à la femme qui le possède. Au nom d’une laïcité qui, sous couvert de république, met en danger ces femmes qui réclament, de leur propre chef ou sous la contrainte et la menace, parce quelles en ont besoin pour s’offrir une protection, ça n’est pas libérer la femme, c’est lui compliquer la vie.

On s’attaque encore une fois au mauvais problème : si la femme n’était pas réduite à un sexe, à un ventre, si elle n’était pas de ce fait un objet de transaction qui lie sa valeur marchande et d’échange comme produit de consommation où l’idée de pureté et liée à celle de virginité, celle-ci n’aurait aucune valeur, et ces demandes de certificats n’existeraient pas.

Une fois de plus, la solution reste la même, si vous voulez faire avancer l’égalité des sexes, éduquez-vous, éduquez vos enfants, et arrêtez de prendre des décisions qui concerne le corps des femmes et qui n’est justement pas le vôtre !

Une femme

Une femme,

tombe des soldates inconnues et pourtant toujours vivantes de notre quotidien

18/10/2020 - Rebecca Rotermund

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« Une femme » est partout. Une femme est incroyable. « Une femme » fait régulièrement les moyens et petits titres de nos journaux.

 

« Une femme » est une espèce de superhéroïne de notre quotidien. Mais « Une femme » n’a pas le droit à une identité, un nom, un prénom.

« Une femme » n’a pas de patronyme, car « Une femme » vaut moins qu’un chien, animal domestique qui partage notre quotidien, parce que contrairement à lui, « Une femme » ne sait pas rester à sa place.

« Une femme » ne mérite pas d’être nommée, l’exploit consistant déjà pour elle qu’elle ait réussi ce qu’elle a entrepris d’effectuer en étant ce qu’elle est : c’est-à-dire une femme. Aussi la société se fait un plaisir à ne pas la célébrer.

 

Pourquoi cet ostracisme, cet anonymat forcé ? Parce qu’« Une femme » dérange. Une femme ne devrait jamais mériter notre intérêt, réaliser un exploit qui est alors ressenti comme un attentat ; être ouvertement à la face du monde ce qu’elle est, faire ce qu’elle veut en traînant son essence même à base de chromosomes XX, d’utérus, vagin, fesses et seins.

« Une femme » a bien trop de culot en se permettant le fait de se faire remarquer. « Une femme » ferait mieux de rester à sa place, à la maison, à la cuisine, un balai dans une main, son mioche dans l’autre, le phallus de son mari dans la bouche, ce qui de ce fait devrait suffire techniquement à la faire se la boucler au lieu de faire savoir au monde qu’elle existe, et pire : qu’elle excelle dans son domaine, réussissant là ou des hommes ont échoués, ou simplement en montrant sa capacité à réussir dans les domaines qui jusqu’alors leur étaient — faussement — réservés.

 

En bref, « Une femme », en pointant régulièrement le bout de son nez, fait mal à un patriarcat toujours peu apte à laisser passer ça.

Aussi lorsqu’un magazine ou média se fait déjà violence pour en parler, il faudrait voir à ne pas abuser en lui rendant un hommage, ou en validant son acte, par une reconnaissance totale et méritée, c’est-à-dire en nous faisant connaître son identité.

 

À défaut de réussir à faire plier les médias et à les forcer à travailler avec respect, continuons à les dénoncer, à souligner cette manie dégradante et à les harceler à chaque fois que ce méfait réapparaît. Sinon nous finirons par avoir besoin d’ériger un monument aux morts à « Une femme », soldate multiple et anonyme qui ne mérite même pas le droit d’avoir un nom, contrairement à nos animaux.

revenge porn

« Revenge porn » et autres mises à mort

publié le 20/10/2020 - par Le string magazine

correction : Fanny Le Borgne

(illustration par Le string magazine)

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Je suis au café avec une copine que je connais depuis le lycée. On ne se voit plus très souvent, mais un lien fort est resté. C’est le genre d’amitié en pointillé, où l’on se fréquente de loin, mais qui n’est pas altérée par la distance. On ne vit plus du tout au même endroit, donc on ne se retrouve plus que quelques fois l’an, ou parfois pas, mais l’amitié demeure.

 

On ne s’est pas vues depuis un moment, alors nous voilà devisant gaiement de nos joies et de nos quelques désagréments. Je vais pourtant me prendre une claque en l’écoutant.

Naïvement, j’imaginais connaître les grands traits de sa vie et de son épopée personnelle, mais il s’avère que, comme chacune de nous, Annah(1) a des petits secrets bien enfouis, à la sale saveur de saleté et de douleur. Des petites horreurs du vécu, assommées à coups de pelle bien placés pour éviter qu’elles se réveillent et donnent à toute son existence un parfum de fumier.

Le purin en question est son ex-compagnon, un sale bourrin dont je tairai le nom.

Elle est en train de me montrer ses nouveaux tatouages, qui sont tous des recouvrements(2) de ceux qu’elles avaient déjà. Comme toujours avec Annah, quand elle me parle des encrages qu’elle s’est fait faire, il y a de la joie, mais s’ajoute ce jour-là une fébrilité que sur ce sujet je ne lui connaissais pas.

Je suis assez étonnée, je ne savais pas qu’elle ne supportait plus ces bijoux de peau qu’elle avait pourtant adorés pendant toutes ces années. Je le lui dis, et ma copine se met alors à pleurer, dégoulinant comme une fontaine, elle qui est si pudique se répand dans ce café, en public.

En vrac, la voilà qui m’explique qu’elle ne peut plus aimer ses tatouages qu’elle a pourtant tant chéris, car son ex-compagnon, avec qui elle a eu trois enfants, pour se venger de leur séparation a mis en ligne des photos d’elle dénudée, sur des sites où l’on se rend pour se satisfaire sexuellement.

Elle ajoute, comme pour essayer de se disculper d’avoir un jour osé faire ces instantanés, que c’était pour lui faire plaisir à lui, et qu’elle avait toujours pris soin de ne pas y montrer son visage. Mais elle s’aperçoit maintenant qu’elle est tout de même reconnaissable pour qui a déjà vu ses tatouages.

Quand elle a appris le nouvel emploi que, dans sa rage, son ex avait décidé de donner à ses photos à usage privé, elle a essayé de les lui faire enlever, mais sans succès. Elle l’a supplié, menacé, rien n’y a fait. Et, comme toute chose postée sur Internet, elles ont continué leur vie propre en se propageant. Annah n’a pas supporté l’idée d’être reconnaissable par ses bouts de peaux encrés.

Elle a déposé une plainte qui n’a rien donné, le fait que son ex-compagnon soit gendarme n’a peut-être pas aidé(3). Elle a ensuite essayé de se consoler, en s’autopersuadant que, sans sa tête, personne ne la reconnaîtrait. C’était sans compter sur ses amis qui consommaient du porno et qui l’avaient déjà repérée.

Alors elle s’est mise à exécrer ses tatouages et à économiser comme une malade, rognant sur tous ses besoins sauf ceux de ses enfants, pour les faire recouvrir et pouvoir se dire que cette fille nue offerte et suggestive, ce n’était plus elle.

 

J’ai eu l’impression de tomber de la lune. C’était la deuxième fois, cette même année, que je me retrouvais devant l’une de mes connaissances victime de ce que l’on nomme le « revenge porn ».

Ces actes dégueulasses n’arrivaient donc pas que dans les faits divers, à des gens à mille lieues de moi.

 

Ma copine Camélia(4), qui s’était également séparée de son mari, avait aussi eu le droit à sa dose du même genre.

À nouveau vivante depuis sa séparation, respirant de ne plus être avec un homme qui l’avait maltraitée, rabaissée, humiliée et parfois même – bien qu’elle ne l’avouait jamais qu’à demi-mot – frappée, Camélia avait décidé de renouer avec un peu d’estime d’elle-même pour réussir, ne serait-ce qu’en dose infime, à s’aimer.

Elle s’était réengagée dans une histoire d’amour, adoptant de nouveau son ancien style pin-up qu’elle avait dû mettre de côté depuis des années parce que le mari ne l’aimait pas, et avait repris plaisir à poser devant des photographes pour se libérer. Rien de pornographique dans les clichés(5) qu’elle faisait, souvent très sensuelle bien que jamais très dénudée. Pas un téton ni un poil de son intimité exhibé.

Mais son ex-mari l’ayant appris, il avait décidé d’imprimer les photos pour les montrer à leurs marmots. Le tout en leur disant : votre maman s’est mise au porno.

 

J’en étais restée comme deux ronds de flan. Même moi, qui n’en ai rien à faire des enfants, j’étais abasourdie par ce père prêt à traumatiser à vie ses propres rejetons en utilisant une forme de « revenge porn » pour atteindre son ex-femme, qui avait fait le choix de le quitter après avoir été maltraitée et avait eu l’outrecuidance de ne plus vouloir porter son nom, lui rappelant trop ce con.

 

Dans la nuit, après mon entrevue avec Annah, j’ai eu un haut-le-cœur qui m’a réveillée. Un truc insidieux en moi, une espèce de malaise qui s’installait sournoisement. J’ai passé plusieurs sales nuits avant de comprendre ce qui se passait.

Je n’étais pas seulement remuée par la souffrance de mes copines. Je venais de me rappeler que moi aussi j’en avais bouffé, de cette forme de sadisme masculin qu’un homme est capable de vous faire subir en cas de rupture, pour vous atteindre et se venger.

J’avais zappé cette histoire que j’avais rangée au fond de moi après avoir morflé et puis accepté. Je venais de me souvenir que mon ex, artiste peintre, après m’avoir harcelée pendant des mois parce qu’il ne comprenait pas que c’était fini entre nous, s’était servi de son art pour me déshabiller.

Il m’avait peinte à poil, de mémoire, pour ensuite m’exposer. J’avais fini nue dans une galerie d’art, moi à l’époque si pudique que je n’étais même pas capable de me baigner publiquement en maillot de bain.

Certes, ce n’était pas une photo mais une représentation de moi ; néanmoins, quand nos connaissances communes avaient vu ce tableau, elles m’avaient toutes reconnue, et mon prénom sur le cartel de l’œuvre ne laissait pas tellement de place au doute non plus.

J’avais pété les plombs et je lui avais demandé de retirer cette toile de l’exposition, je lui avais rappelé les textes de loi concernant le droit à l’image et ceux qui parlent du harcèlement mais, l’exposition se finissant, il s’en était bien foutu. Il avait savouré sa petite victoire d’avoir réussi à m’atteindre en me peignant nue.

Je m’étais consolée en me disant que sur cette peinture j’avais fière allure, qu’il ne s’agissait pas d’une photo. Et j’ai bien fait de n’avoir jamais accepté de poser pour lui devant un appareil qui m’aurait enregistrée, parce qu’alors j’aurais vécu le même calvaire que mes copines.

 

J’en ai passé, de sales nuits à ruminer.

 

Le vrai sujet ici, en dehors de la débilité et de la méchanceté, ou du manque de soutien de la justice aux victimes qui osent en parler, c’est que, pour les femmes, le sexe est toujours honteux, et leur nudité, une pornographie qu’on se permet sans leur accord de partager.

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(1) Le prénom a été changé, forcément.

(2) Le recouvrement, ou « cover-up », est le fait de camoufler autant que possible un tatouage que l’on ne supporte plus sous un nouveau dessin.

(3) Ou cela n’a eu aucune incidence, et c’est juste que tout le monde s’en fout…

(4) Prénom changé également.

(5)Et quand bien même, ça serait son choix et ça ne me regarderait pas.

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Pas une bonne fille

Pas une bonne fille

France et culture du viol en direct des hautes sphères, ou de l’importance de la sémantique

09/11/2020 - Rebecca Rotermund

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Avertissement : Pour cet article, je laisse de côté le fort potentiel islamophobique pour me consacrer uniquement à cette culture du viol française et de haut niveau

 

Emmanuel Macron, propos sont cités par le Canard enchaîné, suite à l’attentat islamiste qui a coûté la vie à l’enseignant Samuel Paty(1), édition du 11/10/2020 :

« La République est bonne fille, mais elle ne se laissera pas violer […] »

 

 

Voilà plusieurs semaines que j’ai tiqué, grimacé et ai été furieusement agacée par cette sortie du président de notre République. Sa phrase reste et me pèse lourdement sur l’estomac, vrille encore dans ma tête, un peu comme une indigestion ou une intoxication alimentaire carabinée doublée d’une migraine à se fendre le crâne et qui ne voudrait pas passer.

 

« La République est bonne fille, mais elle ne se laissera pas violer […] »

 

Voilà ce qu’inclut, en non-dits, cette phrase en utilisant ce « mais » : une bonne fille est une fille qui se laisse tranquillement, sagement et stoïquement violer.

Le choix, malheureux ou non, voulu ou non, lapsus révélateur ou non, décidé et volontaire ou non, ou simple maladresse, est on ne peut plus révélateur : dans la vie il y a les bonnes et les mauvaises filles. Et les bonnes sont des créatures chastes qui écartent leurs cuisses docilement si on y va en les forçant. J’imagine aisément que les plus mauvaises parmi les mauvaises sont les vilaines filles qui ont le culot d’avoir une vie sexuelle libre et épanouie et qui en plus refusent le viol : en un mot des salopes qui se permettent de choisir leurs partenaires.

 

Pour rappel : le viol est un acte de pénétration sexuelle ou d’attouchement, commis sur une victime avec violence, contrainte, menace ou surprise, et donc un rapport sexuel, quel qu’il soit, imposé à une personne sans son consentement.

Un attentat est, quant à lui, une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, un acte de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République ou l’intégrité du territoire national. Ou encore un acte qui heurte les droits, les grands principes, les traditions : exemple attentat à la liberté.

Les propos tenus par le président de la République française, attaquant indirectement, mais clairement les femmes, sont donc un attentat verbal envers la moitié de la population qu’il représente.

En tant que femme, je le prends pour ma part, délibérément, et ce dans le contexte fort de la culture du viol dans laquelle nous baignons outrageusement et ouvertement — pour preuve cette année le remaniement de la honte ou encore la cérémonie des Césars — comme un attentat direct visant à stigmatiser et remettre en cause ma liberté et ma vie sexuelle.

 

Mesdames, ne soyons pas des bonnes filles. Ne soyons pas d’ailleurs des filles, cessons d’être infantilisées, mais soyons des femmes et surtout des femmes dont la liberté sexuelle n’est ni à juger ni à forcer tout en pensant qu’on ne sera pas puni et que cela va passer. Ne laissons pas des hommes, se pensant au-dessus de tout, se permettre d’utiliser et de galvauder cette notion de viol en toute tranquillité, sinon c’est ouvrir la porte à l’impunité.

La République n’a pas à être qualifiée de « bonne fille », car elle est une forme d’organisation politique dans laquelle les détenteurs du pouvoir l’exercent en vertu d’un mandat conféré par le corps social, son corps social n’a donc pas à être réduit métaphoriquement à celui d’une fillette dont les cuisses sont ouvertes.

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(1)Toute ma tristesse et ma sympathie pour les proches de la victime, ses élèves, le corps enseignant, les musulmans qui vont encore une fois être stigmatisés et montrés du doigt, et la liberté d’expression en général, quelle qu’elle soit.

Cols roulés, décolletés, style et sororité
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Cols roulés, décolletés, style et sororité

Rebecca Rotermund - publié le 14/11/2020 - par Les femmes déchaînées

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Je ne ressens pas le besoin qu’une femme, quelle qu’elle soit, se permette des réflexions négatives — voir des réflexions tout court — sur mon style vestimentaire ou mon manque de style, sur son côté atypique ou trop classique, et encore moins concernant la hauteur de ma jupe, la profondeur de mon décolleté, ou le nombre de centimètres carrés de tissus que j’ai plaisir à mettre sur mon cul.

Les hommes dans la rue m’insupportent et m’importunent déjà suffisamment sur le sujet, sans avoir besoin que le sexe féminin vienne s’en mêler.

 

On m’a déjà dit que j’étais trop ou pas assez couverte, aguicheuse ou nonne. Un homme m’a traitée de pute un jour ou, passant près de lui, j’étais vêtue d’un pull à col roulé, d’une jupe longue et large, de bottes plates et d’un manteau oversize et très long. Comprenez à la longue à force de subir ce genre d’interventions, sorties de nulle part, ma colère et mon incompréhension.

Aussi quand une femme, que je connais bien ou peu, vient à moi pour se permettre de me donner un avis que je n’ai pas sollicité, c’est la goutte d’eau de trop qui fait tout déborder.

 

Le style et les vêtements sont du domaine du goût et donc un rapport personnel à soi-même et au monde. Certes, ceux-ci sont influencés par le jus sociétal dans lequel nous baignons, mais aussi par nos proches, la publicité, internet et les réseaux sociaux également, nos convictions personnelles et religieuses, en bref tout ce qui nous entoure, il n’en reste pas moins que celui-ci s’apparente bien au domaine de l’individuel.

Quel intérêt alors de se permettre d’aller donner un avis non demandé, puisque la femme en face à qui vous vous permettez d’imposer cela s’en fout comme de l’an 40 (à moins de tomber sur une personne faible ayant besoin d’une validation pour son ego) ?

 

Beaucoup d’hommes, mal éduqués et/ou sans conscience, considèrent les femmes dans l’espace public comme un objet ; quoi de plus normal de leur part de se permettre de les commenter ? Sachant que les rues et les bureaux sont perçus par ces messieurs comme des devantures Ikea où il fait bon de faire du lèche-vitrine, de pouvoir à loisir y reluquer et choisir leur prochain meuble de compagnie ou décoration pour leurs salons et leurs lits (plus souvent pour leurs simples fantasmes puisque la drague de rue ne marche pas tellement en réalité), il est difficile de faire semblant de ne pas s’attendre à ce comportement dégradant et aussi de ne pas être surprise de les voir se comporter de la sorte.

Pourquoi, alors, dans ce cadre de vie déjà fortement agressif et ô combien agaçant, certaines femmes s’y mettent-elles aussi ? Haine de leur propre sexe, bêtise, manque d’éducation, jalousie, problème de manque de recul et égocentrisme leur faisant croire qu’elles sont seules détentrices du bon goût ? Probablement un savant mélange d’un peu de tout. Pour être honnête, la réponse m’importe peu, mais la moutarde, qui me monte déjà en permanence au nez à devoir subir les saillies verbales de ces messieurs, n’a nul besoin d’être épicée par des femmes qui, stupidement, y ajoutent une couche tout en manquant ainsi clairement d’intelligence et de sororité.

 

Pour ma part, je ne ressens pas le besoin qu’on valide le contenu de ma garde-robe. Pourtant rien ne me chagrine autant que de voir des femmes avoir envers des sœurs ce genre de comportement avilissant. Le sujet me fâche bien plus que lorsque la remarque malvenue sort de la bouche d’un être masculin cisgenre.

Ces femmes ont-elles conscience de jouer le jeu du patriarcat en passant leurs journées à se tirer dans les pattes et à se bouffer le nez pour un maquillage ou de bout de chiffon qui leur déplaît ?

Quelle merveille que cela, grâce à ces femmes, bien trop nombreuses, les hommes pourraient même ne plus avoir besoin de s’y adonner, puisque les femmes entre elles se chargent déjà de se rabaisser. Comment ne pas les entendre ricaner quant par exemple à la cantine leurs collègues de sexe féminin, adeptes des mini-jupes, mais qui trouvent cependant obscène les décolletés, passe leurs temps à faire des réflexions insultantes sur celles qui osent en arborer, faisant d’elles des sales chaudasses qui osent en porter.

Comment ne pas s’énerver et réussir en retour à ne pas leur claquer mon plateau-repas en pleine face, quand elles pensent clôturer le débat en traitant de salopes ou de putes ces femmes qui tout simplement n’ont pas les mêmes goûts et dégoûts qu’elles, et qui je le rappelle ne leur ont rien demandés ?

Pour ma part, j’ai trouvé ma parade : quand un homme me parle de mon style, je me contente de le toiser du regard, puis de tourner le dos et de l’ignorer, mais quand une femme me fait de même, je la défonce verbalement et je l’enfonce en lui parlant de son manque d’intelligence et du concept de sororité. Puis je clos la conversion en la remerciant ironiquement, car c’est grâce à elle, en partie, que nous n’arrivons toujours pas obtenir le respect de la société et l’égalité. En général, ça suffit à les moucher. Pas sûre pour autant que cela fasse chemin en elles et qu’elles ne vont pas continuer.

 

Alors par pitié, mesdames, quand vous croisez une femme dans un style qui ne vous convient pas, et bien pensez le haut et fort dans votre tête si cela a pour vous un quelconque intérêt, mais avant tout apprenez à vous la boucler. Ainsi nos cols roulés, nos mini-jupes, nos décolletés, nos serre-tête en velours, nos burkinis et nos seins nus seront bien gardés.

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Petites pénétrations et viols à répétitions pour grandes impunités

Petites pénétrations et viols à répétitions pour grandes impunités

Rebecca Rotermund - publié le 14/12/2020 -

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À toutes les Julie

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Nous sommes presque à la fin de l’année 2020, et l’actualité de cette année, à force de répétitions, toujours sur le même thème, c’est-à-dire : bafouer ouvertement les droits des femmes et entre autres minimiser au maximum les violences sexuelles me fait me poser régulièrement la même question ; dois-je ouvrir sur mon site une rubrique « culture du viol à la Française » ?

 

Dès que j’entrouvre un journal, une page internet, un fil d’actualité, les violences, commissent sur des femmes, me sautent aux yeux et me griffent l’âme. Des faits tellement répétés, omniprésents, qu’ils en deviennent — j’imagine pour beaucoup — négligeables : un simple champ répétitif et donc limite barbant dans notre paysage quotidien.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et pourtant on ne les cite jamais assez, féminicides, violence, viol, et autres horreurs ; autant de vies gâchées, de dignités piétinées, et également d’un point de vue légal de foutage de gueule avéré, et ce uniquement pour la minorité qui finit par être portée en justice (rappelons que seulement 10 % environ des victimes oseraient porter plainte).

Actuellement, dépassées par l’ampleur des événements, les mouvements féministes, meetoo et autre balance ton porc, ne sont toujours que des petites gouttes d’eau, infimes, mais ô combien utiles, dans un océan de machisme qui, lui, continuellement et sans sourciller détruit.

2020, année du remaniement ministériel de la honte, nous l’a bien fait comprendre : le viol est un élément comme un autre de la culture française. Des faits divers et « histoires sordides » récurrents dans nos médias qui n’émeuvent plus personne, ou tellement brièvement qu’une fois le téléviseur éteint, la page de journal tournée, ou la fenêtre du navigateur web fermé, ils s’envolent loin des préoccupations de la majorité. L’indignation s’essouffle à la vitesse de l’éclair, et la honte de ne pas réagir ne nous étouffe même plus.

Cette année, en sus d’avoir eu des nominations de ministres écœurantes, nous aurons eu droit au traditionnel ballet des éternels féminicides, mais également à la volonté du gouvernement d’ouvrir à la concurrence le numéro d’écoute pour les femmes victimes de violences, en faisant ainsi un marché source de profit, oui, parfaitement, autant que le malheur de ces femmes et les dangers qu’elles encourent deviennent au moins une source monétaire pour une fois que l’on fait semblant de s’occuper d’elles. 2020 est également l’année de rendu de jugements par la justice d’une aberration et d’une inhumanité sans nom. Le tout à grand renfort de déclarations d’un ridicule avéré de la part de notre gouvernement qui soi-disant est présent à chaque fois pour tenter de soutenir les femmes et leurs droits. De la parade, une simple posture, donc stérile, car totalement fausse, au final du simple blabla, de la poudre aux yeux pour mieux dissimuler le mépris et pire le déni.

Non contentes de devoir déjà nous battre tous les jours pour nos droits et nos pauvres acquis qui sont perpétuellement bafoués, il nous faut maintenant défendre un numéro de téléphone d’urgence gratuit qui est pour beaucoup d’entre nous synonyme de survie. Et puis, il nous faut encore trouver l’énergie de nous battre et de monter au créneau quand la justice nous crache au nez, en nous disant qu’elle a tranché et que des viols à répétions, sur une adolescente sans capacité de se défendre, sur plusieurs années, par plusieurs membres représentants la fonction publique, n’en sont pas, mais aussi que lors d’une agression sexuelle une petite pénétration n’équivaut pas à un viol.

 

Mesdames, avouons-le-nous : les dés sont pipés, la Cour de cassation est un organe de notre état qui est cassé, vos droits et vos revendications sont des tracts sur lesquels le patriarcat ne cesse de se torcher. Il n’y a pas de petits viols ni de petite violence à banaliser, il n’y a ici qu’une immense impunité.

Se faire des cheveux blancs, sauf pour ceux-ci

Ou comment Noël est devenu mon Fugitirireparabiletempus (1)

Rebecca Rotermund - publié le 04/01/2021

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Je suis, comme beaucoup d’autres, une angoissée du temps qui passe. La période de fin d’année, avec sa guirlande de fêtes, composée de mon anniversaire, de Noël, puis du réveillon du jour de l’an, résonne dans ma tête non pas comme des clochettes annonciatrices de festivités et joyeusetés, mais tel le glas symbolique du temps qui passe, du corps qui faiblit — enfin faiblira, j’ai encore de la marge si je suis chanceuse — et enfin de la mort qui se rapproche, puis, inéluctablement, après celle-ci, de l’oubli, sauf pour ceux qui — pour de bonne ou de mauvaises raisons — laissent une trace indélébile dans l’histoire de note humanité.

 

Ma première crise est arrivée en CP, ou en CE1, en tout cas au moment où l’on a commencé à m’enseigner l’Histoire. J’ai compris que le monde avait existé avant moi (non sans blague), et qu’il continuerait à exister après moi (haha idem). J’ai tilté qu’il y avait un avant et un après sans ma présence. J’étais catastrophée. Paye ton nombrilisme.

L’univers ne m’avait pas attendue, le temps non plus, rempli de tous ces siècles composés de moments, faits et personnes incroyables que je ne connaîtrais jamais. Et pire, il y aurait un après ou plus personne ne saurait que j’ai existé.

L’Histoire m’enseignait que la seule chose qui survivait c’était les faits historiques, les grandes figures du passé, et parfois les œuvres des grands artistes. Et moi, du haut de mes sept ans, je me disais déjà que je n’avais rien fait pour y participer.

Petite, décembre était déjà un mois de crise existentielle avérée. Qu’avais-je foutu de ces douze derniers mois ? Qu’allais-je faire à partir de mon anniversaire et de cette nouvelle année ? J’avais sept ans et je me sentais déjà terriblement vieille. Enfant précoce, je passais déjà mon temps à me gratter et à me triturer les méninges sur des questions auxquelles nul n’a vraiment de bonne réponse absolue.

Alors j’ai commencé à angoisser très sérieusement sur le temps qui passe et le sens de la vie qui m’échappait — mais ça je pourrais encore l’écrire au présent — et pourtant je n’étais qu’une enfant. [Oui, on ne devient pas artiste ou auteure ou créatif pour ne pas essayer, plus ou moins inconsciemment et ouvertement, de laisser une trace, comme d’autres préfèrent l’illusion d’être éternels en faisant des enfants.]

 

Là, vous vous dites peut-être que l’auteure est en plein craquage à vous raconter sa vie plutôt qu’à écrire encore un article féministe-rebelle, ou féminazie comme on me l’a si bien dit. Et bien non, car enfin j’y viens : à l’adolescence s’est ajouté à la peur de la mort, de l’inconnu, de cet après, de ce sans doute néant, la peur de vieillir.

Le vrai sujet ici, en dehors des crises existentialistes, est la peur d’être considérée comme périmée. Je veux dire et j’insiste : d’être une femme et par conséquent d’être encore plus rapidement considérée comme dévaluée. (Patriarcat et éducation sociétale à base de je suis un produit de consommation pour les hommes, bonjour !)

L’angoisse du temps qui passe, de la beauté qui se dégrade, des seins qui vont inéluctablement subir, avec le reste du corps, l’irrésistible attraction terrestre et celle des années qui s’ajoutent, le tout sans lutte efficace possible.

Adolescente, à force que l’on me répète que j’étais, paraît-il, jolie (chacun ses goûts aucune idée si cela était vrai), mais également qu’il fallait que j’en profite avant que cela ne se gâte, j’ai vite réalisé non seulement l’impact de la beauté dans la vie d’une femme, mais surtout celui de perdre cet avantage.

Pourtant, paradoxalement, bien que satisfaite de la transformation de mon corps, celle-ci me désolait puisqu’en l’espace de quelques mois sortir était devenu une plaie : dès que je mettais un pied hors de chez moi j’étais reluquée, soupesée, abordée et souvent insultée. On fera d’ailleurs l’impasse dans cet article sur ces propositions sexuelles d’homme adulte à une adolescente, et sur les tentatives d’attouchements. (Patriarcat et acceptation de la pédophilie ambiante, salut !) Cela était terriblement agaçant, insultant et effrayant, mais on me faisait savoir que je devais « en profiter » puisqu’un beau jour je cesserais de plaire, car je ne serais plus un produit assez frais.

Mais que je ne vous mente pas, tout le paradoxe étant là : j’étais à la fois flattée de découvrir ce nouveau pouvoir, et extrêmement courroucée d’être devenue d’un coup un bout de viande à viols ; ainsi qu’abasourdie et qu’absurdement épouvantée de me savoir avec une date limite de consommation, apparemment assez proche, et donc en théorie, mais pas en pratique, joyeusement délivrée un jour de tout ce harcèlement.

J’eus encore plus peur du temps qui passe. Non seulement la vie n’avait pas de sens et je n’allais pas laisser la moindre trace de mon existence, mais en sus j’allais devenir une femme archaïque, démodée, surannée, vieille et donc dans ma tête d’adolescente nécessairement laide très rapidement, inutilisable, car inbaisable, et donc inutile. Oui parce que c’est ce que je percevais dans le fait d’une femme : la fraîcheur du produit en définissait sa valeur.

J’ai stressé encore plus à l’idée du temps qui passait.

 

J’ai honte, mais, je l’avoue, j’ai angoissé de plus belle dès que j’ai vu les premières pseudoridules apparaître sur les visages de mes amies, et je me suis également, en mon for intérieur, telle une petite connasse hypocrite n’ayant aucun notion de bienveillance et de sororité, et aucune conscience de jouer le rôle du patriarcat, auto congratulée sur le fait que moi je n’en avais toujours pas. (Patriarcat et esprit de compétitions entre femmes, manque de sororité et d’amour propre, salutation.)

J’étais fière de voir mon corps et mon visage rester frais et jeune, tel que me le demandait la société. J’étais ravie de ne pas faire mon âge et que personne ne me prenne au sérieux quand j’annonçais celui-ci. Et j’avais une peur bleue de voir tout ceci m’arriver à mon tour ; la peur sale du cheveu blanc et gris, du sein qui tient moins bien et de la première ride qui, telle une fourbasse s’en vient sans vous prévenir.

Pour me punir de ma frivolité, j’ai été dans les premières à devoir exhiber mon premier cheveu blanc, pour le coup bien visible, puisque celui-ci a décidé de pousser le long de la raie que je me fais sur le côté depuis des années. Stupeur et tremblements, voilà le temps qui enfin me faisait m’aligner sur mes copines, je faisais enfin à peu près mon âge.

J’ai cru, en découvrant ce traître à ma jeunesse, que j’allais en faire tout un Drama, un vrai, un gros, en dix épisodes, voir en douze, en autant de saisons qu’il me restait à vivre. Rien n’en fut ou presque, passée la surprise de le voir dans mon miroir, de farfouiller et de découvrir quelques copains à lui, j’ai accusé le coup. Puis je me suis rendu compte que ni lui ni ses quelques compagnons ne changeaient quoi que soit à ma vie et à mon essence même. Pourtant j’étais persuadée depuis très jeune que ce jour serait un jour de drame émotionnel avec opéra en trois actes, rivières de pleurs, mise au placard pour le restant de mes jours, autoflagellation, séances de tortures à base de teintures toutes les trois semaines pour camoufler les indésirables qui me feraient devenir moi-même une indésirée.

Pourtant je n’ai pas été tentée de les teindre et de les camoufler. Je crois que j’ai simplement pris conscience qu’avoir peur de vieillir c’était avoir peur de soi, se méfier de soi-même. Traquer en permanence et avec encore plus de frénésie ses propres défauts, enfin ceux que la société vous désigne pour vous faire perdre un temps fou en stress, en préoccupations plastiques et en coquetteries. (Patriarcat et charge esthétique, hello.) Que tout cela revenait à passer sa propre vie à lutter contre soi-même dans une course stérile perdue d’avance et qui n’a pas lieu d’être, une femme n’étant pas destinée à être un bout de chair fraîche devant rester esthétiquement jeune comme une adolescente pour porter satisfaction et être à la disposition du désir et plaisir masculin un poil irréaliste et pédophile.

Moi, l’angoissée folle furieuse du temps qui s’enfuit, dans la rue, dans l’espace public quand je trottine sur les pavés ou le macadam, je me sens pourtant bien mieux depuis que j’ai passé la trentaine, et surtout depuis que cela se voit, que je ne suis plus de cette chair idéale fraîche, pure et naïve que les plus pervers convoitent tant, et j’en suis ravie. Je trouve une forme de paix à ne plus être autant harcelée et menacée comme je l’ai été pendant toute mon adolescence et ma vingtaine, par tous les pervers ou malpolis de sortis, et pourtant je me fais encore très fréquemment aborder, pour le dire même clairement et sans poésie, emmerder, cependant rien à voir avec la fréquence insoutenable dans mes vertes années.

 

Pour conclure et résumer ; je me fais toujours des cheveux blancs sur le sens de la vie, mais bien heureusement plus pour ceux-ci.

Sur ce, maintenant que j’ai bien cassé l’ambiance, célébrons ensemble le temps qui passe, puisque, finalement, et rappelons-le, vieillir est une chance. Alors pour toute bonne résolution : sororité et bienveillance envers soi-même, que vous acceptiez ou non vos cheveux blancs si vous en avez, et à vous bonne année !

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(1) Le temps s’enfuit, perdu pour toujours

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se faire des cheveux blanc

Lâchez-moi le gras !

#pasmarenaissance

Rebecca Rotermund - publié le 25/01/2021

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Attention, ici pas de jugements envers les participants, chacun gère sa souffrance comme il peut.

Idem pour ceux qui ont recours à la chirurgie pour aller mieux.

 

 

Je ne veux pas m’exposer au regard de l’autre, je veux exister. Je ne veux pas souffrir inutilement, je veux être décomplexée. Je ne veux pas sentir le jugement dans des yeux malveillants, je veux pouvoir m’aimer. Je ne veux pas risquer d’entendre le mot « gros », je ne veux pas de rires dans mon dos. Je ne veux pas être différente et montrée du doigt, je veux pouvoir, en toute quiétude, être moi.

 

Je ne veux pas renaître, je veux être.

 

Cela est-il possible au-dessus de la taille 38 ? Ai-je le droit d’exister ? Mon corps a-t-il sa place dans l’espace public ? Ou va-t-on me forcer à me sentir gênée ? Faut-il que je m’affame, que je me détruise, tout en me haïssant pour coller à une norme qui ne colle pas naturellement à ma chair ? La case chirurgie, et ses dangers, est-elle une obligation pour que j’aie le droit d’exister ? Suis-je sensée en avoir quelque chose à foutre de possiblement vous déranger ?

 

Je suis pile-poil dans la moyenne des corpulences françaises, dans ce 42/44 qui est la norme hors norme en France. Je suis la réalité des Français, je suis une femme bien en chair et en os, je n’ai que quelques kilos en trop, moi je ne trouve pas d’ailleurs, mais on me le fait ressentir. Je suis moi, par ce fait je suis donc « normale » et pourtant, avec mon peu de poids en supplément, il m’arrive régulièrement de me sentir mal dans ma peau et jugée. Ne suis-je pas d’ailleurs déjà considérée comme grosse, par la plupart, parce que mon fessier refuse de rentrer dans une taille 38 ?

À mon niveau, puis-je imaginer la vie d’une personne obèse, sa souffrance, savoir jusqu’où peut aller sa résilience, jusqu’où pousse le désespoir ?

Apparemment, jusqu’à accepter de s’exposer à la face du reste de l’humanité dans un programme télévisuel voyeuriste et d’une dégueulasserie, pour le coup, elle, complètement décomplexée.

 

Je m’aime et je me déteste. Je n’ai pas besoin de la télévision pour m’adouber ou pour faussement m’aider, même si je pense que les canaux télévisuels devraient avoir pour fonction de vous construire et non pas de vous faire vous haïr.

En fait, j’ai juste besoin qu’on me foute la paix, qu’on ne me dise pas ce qui est beau et ce qui ne l’est pas. Nous avons tous grand besoin de stopper l’aliénation des canons de beautés, de cette exigence d’une esthétique qui n’est parfaite que si elle répond à des ensembles de critères bien précis, la plupart du temps irréalistes, excluant 99 % des femmes au naturel. Et ne parlons pas des personnes racisées et/ou handicapées, non, parlons déjà des gros.

 

Les complexes font vendre : du produit de beauté, en passant par la surconsommation de fringues, les soins et la chirurgie esthétique. Tout cela c’est de l’argent, pour ceux qui tiennent les cordons de la Bourse, la souffrance est du pouvoir monétisé ; il faut que tu détestes ton cul pour faire grossir le capital des quelques fortunes mondiales.

Et là est tout le problème de fond : pourquoi nous aider à nous faire nous accepter, alors que notre mal-être va ressortir en pognon qu’on va venir jeter par pelletées à leurs pieds ?

On nous vend du beau inatteignable au lieu de nous vendre du sain, de nous souhaiter le bonheur et la santé. On s’en fout du bien-être, ce qu’il faut c’est nous faire dépenser. On nous bourre le crâne pour nous faire nous sentir moches et mal, et pour nous aider faussement à nous sentir mieux, pour nous permettre de nous défouler, nous les frustrés incapable d’approcher la perfection, l’inaccessible beauté, on nous éduque à taper sur plus petit que nous, à martyriser ceux qu’on nous désigne comme soi-disant étant esthétiquement sous la case en dessous de nous. Le gros devient le bouc émissaire de notre propre mal-être qu’on nous crée, à défaut de pouvoir s’acharner directement sur les personnes handicapées, il faut veiller à faire semblant de garder un peu d’humanité, mais l’obèse en est exclu, car, n’est-ce pas, c’est un choix  : c’est un gros tas qui se laisse forcément aller, à ce qu’il paraît, alors on nous enseigne insidieusement ce mépris qui nous permet d’aller le brimer.

J’ai rarement rencontré des personnes bien dans leurs peaux, mais celles que je connais, celles qui sont heureuses, n’en ont rien à foutre de la compétition et du corps des autres ; bien dans leurs têtes, elles n’ont pas besoin d’aller saper l’amour propre d’autres êtres. Mais pour toi le complexé, ou le con tout court, pourquoi te priver d’aller te défouler de tes frustrations sur un gros, toi qui es juste un gros con ? Une émission comme « Ma renaissance » valide ta vision pourrie et te le permet en te confortant dans les opinions fausses et toutes prêtes qu’on t’a toujours fait avaler.

 

Je n’ai jamais vécu une histoire d’amour avec la télévision, ça n’est pas compliqué, cela fait plus de dix ans que je ne suis plus équipée. L’arrivée de la télé-réalité s’est faite sans moi, je l’ai tout de suite détesté, ça et les programmes voyeuristes où l’ont fait intervenir des êtres humains pour qu’ils se livrent au jugement du public, pour que nous puissions tranquillement derrière nos écrans les regarder en ricanant.

Je ne la snobe pas pour autant, il m’arrive de regarder en ligne des documentaires en replay, mais l’obscénité, le grotesque et ce truc insoutenable pour moi de tourner en dérision et d’humilier des personnes, sans qu’elles en aient apparemment conscience, en un mot pour divertir la populace, me dépasse. Les « Belles toutes nues » et autres, où l’on force des personnes mal dans leurs corps à se déshabiller mentalement et psychologiquement face à la caméra, presque à poils, en sous-vêtements, à demi en larmes et donc nue mentalement, me propulsent bien au-delà du malaise. Chacun fait bien ce qu’il veut de son cul, mais si je vois que ça fait pleurer, que la personne se force, je me sens, pour elle, à sa place, totalement violentée.

Merci à tous les programmateurs et producteurs de ces émissions — passez-moi le mot — de merde, dont la dernière en date, « Ma renaissance » ne fait pas exception et véhicule l’idée que la différence — ici le gros — est une chose sale contre laquelle il faut lutter pour être désirable et avoir le droit de s’aimer.

Qu’est-ce qu’on y apprend en fait ? Que les gros — oui ceci n’est pas censé être un gros mot — souffrent du regard des autres, de leur propre regard, d’un manque d’assurance, d’une carence affective et d’amour propre, d’ego, victime sociétale d’un déchirement psychologique suffisamment insoutenable pour passer par la case télévisuelle et déshumanisante en tentant un ultime mieux-être.

Qu’est-ce qu’on y voit ? Et bien tout simplement que le seul gros acceptable est celui qui sacrifie sa dignité et sa santé pour tenter de s’approcher d’un canon esthétique qui le méprise, qu’il doit non pas apprendre à vivre en paix avec son corps et à prendre soin de lui, mais qu’il lui faut se haïr et accepter de se faire conspuer par le public tant qu’il n’arrivera pas à rentrer dans une taille 38.

Mais aussi que le gros qui reste gros est indécent, qu’il ne fait pas d’effort et mérite d’être traité comme un porc. Qu’on a donc le droit d’en faire un sujet de moquerie, une chose même plus humaine, qui ne mérite pas le respect, qu’on peut abîmer pour se défouler ou pour faire son petit intéressant en se voulant marrant.

On y voit que le salut de la personne en surpoids est composé d’une Sainte Trinité à base de régimes, de privations et d’une santé mentale déclinante qu’il ne faut pas exhiber. Sinon il a encore le choix d’être toute sa vie une victime expiatoire de la méchanceté — très — ordinaire du moindre citoyen lambda ou de rester toute sa vie caché. Le gros qui reste gros ne mérite pas le respect.

Les mauvaises ondes télévisuelles de « Ma renaissance » nous envoient clairement le message que la morale ici n’est pas le bonheur ou la santé des sujets, mais qu’il s’agit uniquement de minceur, de normes, de perdre du poids. Sinon pourquoi les forcer à s’exhiber comme des animaux de foire pour « tenter de les aider » ?

 

L’émission, paraît-il, n’a pas eu le succès escompté. M6 clairement je t’annonce que pour toi je ne vais pas en chialer. Tant pis pour l’investissement et l’argent que tu as mis dedans, pour une fois le gros ne te servira pas de porte-monnaie.

Pourtant c’était bien vu, ce programme répondait parfaitement à la réalité de notre Rome moderne, dont le credo, trop vieillot, du cirque et des jeux, aurait été remplacé par : de la télé-réalité, du pain sec et de l’eau, et avec à la clé la grande question de ce siècle : combien des troubles alimentaires de plus de déclarés grâce à la vulgarité de nos programmes télévisés?

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Lâchez-moi le gras !

Dos nu sous la neige

Ou ce bon gros foutage de gueule de la mode féminine

(mais dont j’accepte moi-même, de temps à autre, d’être une victime)

Rebecca Rotermund - publié le 15/02/2021

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Note : je ne vais pas parler ici d’écologie, ni d’anorexie, ni de canons de beauté

 

 

Au moment où j’écris ces modestes lignes, il neige. À l’instant où vous me lirez, celle-ci aura probablement fondu et toute sa magie avec. Entre ces quelques jours écoulés, combien serons-nous à avoir attrapé froid, non par manque de moyen de pouvoir nous offrir des vêtements chauds (ça c’est encore un autre problème et bien plus grave), mais parce que nous suivons, parfois assez bêtement, ce que nous dicte notre capricieuse maîtresse amante et meilleure ennemie : la Mode.

Si je laisse de côté, pour cette fois, la question de l’impact écologique, de la maigreur des mannequins et du mépris du milieu pour les « vrais corps », mais aujourd’hui, du fait de la météo, je ne peux m’empêcher de penser au problème du peu de confort qui nous est proposé à nous les femmes.

 

Je suis depuis toujours une grande fanatique des défilés de haute couture, je ne m’en cache pas. Je regarde les vidéos et les photos de ces événements et j’y vois de l’art, et même de l’Art avec un grand A. Les silhouettes passent sous mes yeux telles des sculptures de tissus, nous envoyant, pour ceux qui y sont sensibles, dans des voyages, dans des cultures autres que la nôtre(1), le temps, l’espace, parfois même des dimensions parallèles. En bref, les créateurs et leurs créatures nous projettent dans un monde de beauté idyllique et inaccessible, tant pour nos bourses que pour la réalité de nos vies et de nos pauvres corps, saupoudré avec allégresse par de la fantaisie, du fantasme et l’incongruité. Car avec cette forme d’art, pour la majorité, c’est avant tout bien de rêve qu’il s’agit.

Pourtant ces défilés annoncent la couleur de ce que les grandes marques vont par ricochet vouloir nous faire acheter. De ce qui va nous être vendu comme désirable pour nous pousser à consommer, dans l’espoir de devenir ou de nous sentir attrayantes en portant ces biens, devenant nous-mêmes en consommant un objet de désir pour les regards masculins. Ou plus simplement pour satisfaire notre besoin factice créé par le capitalisme, incluant injonctions à la beauté et charge mentale esthétique, qui nous fait nous désaimer le plus possible pour, encore une fois, nous forcer à consommer, tentant ainsi de nous sentir bien, en pensant que c’est cet ultime petit pull dos nus, ou que cette jupe en satin non doublée pour l’hiver portée peau nue sans collant par la modèle, qui va nous aider à nous accepter et à nous aimer nous-mêmes.

Clairement, en visionnant le travail des créateurs et toutes leurs merveilles, il apparaît en moins de quelques secondes que la réalité du corps des femmes est totalement ignorée ; qu’il s’agisse de coupes peu flatteuses au-delà de la taille 36, ou du peu de couvrance des tissus et donc de l’impossibilité, par le danger que cela représente, de porter cela en réel dans la rue, comme, plus basiquement, en termes de praticabilité et de confort.

 

Même en sachant cela, mon plaisir reste identique lorsque j’admire, ou m’amuse franchement, devant toutes ces propositions vestimentaires portées par toutes ces arpenteuses de podiums. Pourtant à l’usage, quand ensuite il me vient un réel besoin, ou une envie, que j’essaie d’apprendre à refréner de plus en plus, je m’aperçois tout de suite que ce qui est beau sur le papier glacé des magazines ou en vidéo est un calvaire quand l’effet de mode a pris et qu’il débarque dans ce qui m’est proposé pour compléter ma penderie.

Ai-je l’envie d’être à moitié à poils ? Probabilité forte en période de grosses chaleurs ou pour certaines occasions privées, sinon au risque de me faire harceler et agresser sexuellement dans la rue, je préfère passer mon tour et ne pas risquer un viol en milieu urbanisé. Ai-je envie d’attraper tous les hivers une pneumonie ? Rien n’est moins sur, je ne suis pas une adepte de la souffrance ni du masochisme.

Et pourtant, me voilà bavant, depuis des mois, devant des photos d’influences portant de petits pulls hautement désirables, comme elles le disent elle-même, en angora ou en lainage, mais avec dos nu. Oui, moi, toujours à gueuler sur ce grand n’importe quoi de ce qu’on impose aux femmes en matière de charge esthétique, je dois bien avouer que je reste, malgré mes progrès, une petite victime de la mode, alors qu’au fond personne ne m’a obligé.

Cela était déjà d’ailleurs un de mes sujets de prédilection lors de mon passage de diplôme aux beaux-arts, où j’ai travaillé sur la dualité « féminité : plaisir/contrainte », le tout de manière très ironique, puisqu’à l’époque je m’imposais tous les pires asservissements liés en termes d’esthétique à la féminité, pour essayer de me sentir bien dans ma peau et de correspondre à ce qu’attendait de moi la société sans faire mine de m’y forcer, mais tout en m’y poussant. (Voir ma section Projet Hell on Heel sur mon site.)

J’étais alors incapable de me passer de maquillage, de push-up, de talons hauts, de bas et de tous types de lingeries contraignantes, et je l’avoue, je me forçais, ne le faisant pas tous les jours par pur plaisir, mais bien parce que sinon je me sentais mal si je devais sortir en public ou recevoir du monde.

 

Je porte toujours des robes, même en hiver sous moins dix degrés, certes avec bottes plates et collant et non plus en bas et talons, car je n’aime pas les pantalons. J’aime encore le maquillage, mais j’ai appris à pouvoir m’en passer, et mieux, j’ai découvert depuis peu que j’aime tout autant me voir sans. Toute cette exigence esthétique n’est plus une obligation pour moi, que je m’auto-inflige tous les jours dès que je sais que je vais croiser un être humain, risquant de lui donner une image de ma personne que beaucoup considérerait pour une femme comme négligé, car n’étant pas assez apprêtée.

J’affectionne toujours autant les colifichets qui relèvent ce que l’on considère comme étant un devoir vestimentaire féminin dans notre univers patriarcal où le rôle féminin est avant tout maternel ou sexuel, dans tous les cas codés. Par exemple, je porte encore hebdomadairement des talons, bien que ceux-ci soient de moins en moins hauts, ou encore j’aime passer trente minutes dans ma salle de bain à me faire des soins bio ou à me maquiller. Certes, je ne le fais plus quotidiennement, mais je joue encore le jeu régulièrement.

Bref, ce que j’essaie de vous signifier, c’est que par envie réelle, je m’emploie encore par toutes une catégorie de gestes, de ports de vêtements ou de temps perdu liés au deux, à ressembler à la représentation très sexée de ce que doit être une femme. Il est donc fortement possible que si vous me croisiez l’une de ces journées où je suis un cliché de ce qu’on attend concernant la féminité, vous pensiez probablement, en me voyant, que tous mes petits discours sur la libération de la femme sont bidon, car je suis, souvent, cette femme sapée maquillée parfumée qui répond aux demandes esthétiques de notre petit pays gouverné par des mâles dominants. Néanmoins, rappelons-le, le féminisme c’est avant tout de permettre à toutes les femmes de vivre leurs vies comme elles l’entendent, en les poussant bien sûr à la réflexion, afin de faire de vrais choix plutôt que de subir ceux que la société fait d’office pour nous ; ainsi une femme éclairée qui décide de porter des éléments de costumes contraignants est tout aussi respectable qu’une autre qui fait le choix de ne pas le faire. J’ajouterais qu’il est probable que si j’avais vécu dans une autre culture rien de tout ce qui compose LA femme chez nous ne m’aurait fait envie, ma vision de la féminité et de la beauté aurait été toute autre et je n’aurais peut-être jamais eu le désir de me construire ainsi.

 

En conclusion, en passant par tout l’éventail de ses beautés et propositions esthétiques, le monde de la mode occidental continue, parce que nous le voulons bien, à nous faire constamment des pieds de nez. Du soutien-gorge inconfortable rembourré, au rouge à lèvres qu’on doit surveiller toute la journée pour ne pas le voir virer en maquillage de clown et donc en ridicule et en cauchemar, en passant par les talons trop hauts que nous payerons au prix fort un jour avec l’état de notre dos, il faut bien admettre que la mode, si on l’a suit les yeux fermés, est en grande partie pour notre confort un vrai déni.

Le seul point positif, de mon côté, c’est que les années passant j’ai vraiment appris à ne plus me forcer. Pourtant quand je vois qu’à force de me faire mitrailler en ligne, par exemple pour un petit pull dos nus, avec lequel je sais pertinemment que je vais me les peler, je n’hésite pas néanmois, après plusieurs mois de réflexions, une fois que j’en ai trouvé un d’occasion en seconde main, à me l’acheter.

Alors, j’ai beau me dire, en petite hypocrite, que je mettrais dessous un débardeur ou quelque chose pour me tenir bien chaud, je sais d’avance que le premier jour je vais me peler les fesses, enfin la chute de reins et le dos, car je vais avoir envie de le porter à même la peau.

Bon, ok, de là à aller batifoler dos nu sous la neige il y a encore du chemin, mais pourtant, je le reconnais, en matière d’esthétique, je suis encore une petite écervelée du pratique.

 

 

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(1) Question de l’appropriation culturelle, bonjour !

Dos nu sous la neige
Le syndrome de Paris

Le syndrome de Paris

Rebecca Rotermund - publié le 23/02/2021 chez Le string magazine #3

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Le syndrome de paris insta.jpg
Anorexie culturelle

Anorexie culturelle

Rebecca Rotermund - publié le 15/03/2021

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Il y a des célébrations et des dates d’anniversaire dont on pourrait se passer. Vous savez celles qui vous font mal quand se tourne la page du calendrier, lorsque l’on met involontairement le doigt de dessus et que ça gratte, parce qu’on réalise que le temps a filé à la fois à une allure alarmante et dichotomiquement avec une lenteur inquiétante, le tout en nous laissant sur le carreau. Cette douleur que personne n’aime sentir quand une année se passe, s’efface, irrémédiablement perdue et qu’un problème dans nos vies fête ses un an — ou plus — et n’est toujours pas réglé, continuant à nous broyer. Le décor est planté, j’arrête donc là avec mes platitudes, je pense que l’idée globale est passée.

Ne souhaitons donc pas un bon anniversaire à notre coexistence avec la COVID, de nos vies mises entre parenthèses, oui, pour nous les chanceux qui pouvons encore nous plaindre, car vivant, et dont ladite parenthèse n’est pas encore définitivement fermée, car nous ne faisons pas partie des victimes de la COVID qui sont décédées.

Ne célébrons pas ce moment, mais soulignons-le pour nous rappeler qu’un mieux est encore à espérer.

 

J’ai, comme tous, déjà vécu des ruptures amoureuses, familiales, amicales, de travail ou autre, mais jamais je n’avais autant rompu avec tout d’un même coup. La vie ne m’avait pas encore exclue à ce point, sauf lors de ma dépression qui date maintenant. Bien qu’en tant que milléniale, j’ai déjà eu le droit à ce sentiment d’un monde connu et rassurant qui s’écroule, et à l’obligation de passer à un « après » non désiré et forcé.

La première fois que j’ai vécu cela, je veux dire ce fameux et irrémédiable basculement, c’est quand je suis devenue une femme. Je suis passée d’être humain à bout de viande, objet décoratif et sexuel, nichons et vagin all inclusive. La claque fut violente et n’est à ce jour toujours pas digérée, pour cause de quotidien à base de patriarcat indigeste.

La seconde a eu lieu lorsque des avions sont venus percutés de plein fouet, sciemment et sous la malfaisance de la volonté humaine, les tours du World Trade Center, ce trop célèbre 11 septembre 2001. Cette gifle me faisait comprendre que les différences culturelles ne seront jamais acceptées ou même vaguement tolérées, même s’il ne s’agit après tout derrière que d’histoires sordides de pouvoir ou de pognon, nous entretenant pour cela dans une haine de l’autre et dans le principe étouffant, mais sécurisant, de vivre dans un entre-soi. Cette haine factice désirée et entretenue par les plus puissants.

Ma troisième et dernière — actuellement — c’est celle de 2020 : avec cette pandémie mondiale, celle que, par pessimisme ou réalisme, je m’attendais à vivre un jour dans ma vie. Au vu de notre mépris envers Dame nature qui, subissant nos agressions destructrices, allait bien un jour où l’autre nous rappeler à l’ordre, en essayant d’enrayer son mal, c’est-à-dire en exterminant la vermine que nous sommes pour notre propre écosystème, je ne pouvais que m’imaginer qu’elle ne faisait que nous prendre au nez.

 

Nous voilà maintenant à un an de divorce avec la vie, nos vies, avec ce monde d’avant ; pour ma part avec mon petit confort précaire que j’ai peine à me construire, moi la culturette surdiplômée ayant ramé une décennie pour arriver à un peu de stabilité mentale, physique et pécuniaire. (Ne choisissez pas le domaine de la Culture si vous souhaitez avoir un niveau confortable ou juste acceptable, sauf si papa maman possède un carnet d’adresses conséquent.)

Me séparer, me faire jeter par un ami, un membre de ma famille, un employeur, un ou une amoureuse, je l’ai déjà géré. Mais là, ce démariage brutal avec l’existence, cette claque que je n’attendais pas, enfin pas aussi tôt, pas à ce moment-là — bien que convaincue depuis gamine qu’un monde qui ne tourne pas rond et qui dégomme son écosystème devra bien le payer un jour ou l’autre — fut une bien mauvaise surprise.

Très jeune, à la fois réaliste et naïve, je pensais que ce jour d’effondrement de notre société — que je n’avais pas encore envisagée comme problématique, car capitaliste, fonctionnant et misant uniquement sur le présent et non sur le futur, mais que j’ai tout de même toujours vue comme polluante pour les âmes et la planète, sans arriver à mettre les bons mots dessus — viendrai avec ma vieillesse, certainement pas dans le premier tiers de ma vie. Je voulais croire dur comme fer que ce drame humain et social, qui est aussi par ricochet celui de l’environnement, finirait par exploser pendant mes vieux jours, si je ne mourais pas d’un cancer avant.

Oui, je sais, j’étais déjà une petite personne, comme on dit, pessimiste. En réalité, simplement réaliste et factuelle, les yeux ouverts et refusant de fermer ses écoutilles. Vu que j’avais vite compris que l’on est ce que l’on consomme, et que l’on consomme principalement de la merde, je m’imaginais assez bien que mon troisième âge serait gâché par un cataclysme, rébellion due à un écosystème que l’humanité s’est pris plaisir à fouler, sauf si mon corps, pourri de produits de surconsommation néfastes et de pollution, ne m’avait pas déjà lâché avant. J’ai d’ailleurs bien du mal à imaginer ma génération vieillir sereinement d’un point de vue santé, sauf éventuellement pour les très riches qui peuvent payer pour « bien » consommer et qui ont le temps de pouvoir s’y atteler.

Peut-être aussi qu’égoïstement, parce que plus jeune je voulais vivre moi aussi sans trop me priver, ni réfléchir à tous mes actes, sans pour autant être totalement inconscience de la répercussion de ceux-ci, car tout de même clairvoyante sur le fait que la plupart de nos moindres gestes du quotidien sont une douleur pour la planète, je voulais tout de même jouir un peu de ce monde capitaliste, dans lequel je me reconnais de moins en moins, mais dont je fais clairement encore partie. (Enfin d’un point de vue pouvoir d’achat, pas vraiment, mais je joue le jeu en vivant dans cette société.) Je voulais ma part de gâteau, quitte à mordre dans le tas tel un pitbull enragé. Je ne suis pas, malheureusement, du genre à me satisfaire d’amour, d’eau fraîche et de frugalité.

 

Malgré tout ce pessimisme, finalement pur réalisme, je n’avais pas prévu ou réfléchis à cette chose : me faire jeter par la vie sans préavis, la trentaine à peine engagée qui plus est, ne plus pouvoir voir ma famille, mes amis, les personnes qui font battre mon cœur et qui me sont nécessaires, mais aussi me faire éjecter par l’un de mes plus grands plaisirs : la vie culturelle, et ce sur ordre de l’État, mais le tout en devant tout de même tous les jours ou presque devoir risquer la mienne pour aller travailler au service de l’État et de ladite culture.

Non, à aucun moment je n’ai pensé que, devant cette catastrophe imminente qui nous attendait avec certitude, nous en serions réduits à être tout ce que je déteste : soit métro-boulot-dodo, en réalité « danger de mort métro » — « danger de mort boulot » — « danger de mort métro » — « dodo en priant pour ne rien avoir choppé ». Car c’est bien à cela que ressemblent maintenant nos tristes quotidiens.

Plus de fous rires IRL entre amis, plus de tendresse entre amant. e. s, plus de vie culturelle, à la place des risques que l’on m’impose de force, pris pour rien, du vide affectif et de la cervelle ramollie, manquant cruellement de chaleur et de beau. Car non, ni les visioconférences entre famille et amis ni les programmations en ligne d’événements culturels ne remplaçassent le réel.

Certes, heureusement que cela existe, sinon nous serions devenus fous, et merci d’ailleurs à tous les acteurs culturels qui nous proposent un substitut afin de nous nourrir l’âme et de ne pas laisser complètement crever.

Dans la culture, pour ceux qui le peuvent, « nous enfourchons tous le tigre » comme nous pouvons, à défaut, pas forcément par choix, et certainement pas sans réels dégâts (mentaux comme physiques). Et encore, pour les plus chanceux qui peuvent encore œuvrer.

 

Je n’avais donc définitivement pas prévue cette carence artistique, culturelle, cette interdiction d’accéder à la beauté, à ce qui pour moi donne un semblant de sens à une humanité qui n’en a pas.

Je me suis d’ailleurs sentie, à l’annonce de la fermeture des musées, des lieux culturels et de spectacles, comme une petite midinette à qui l’on aurait dit, n’osant pas la larguer crûment, en essayant de la ménager, dans l’espoir éventuellement de pouvoir un jour la récupérer pour mieux la baiser, bref devant ce simulacre obscène de non-rupture, ce fameux « faisons un break ! »

 Je me suis rattachée, innocente telle une idiote/amoureuse vivant sa première rupture, à cette idée que ce désamour n’allait pas durer, au fait qu’il s’agissait d’un effort passager.

J’y ai cru quand certains lieux ont rouvert l’été dernier. Et je peux vous dire que j’y ai foncé, en respectant le port du masque, les gestes barrières, les réservations et les quotas dans les salles. Et pas qu’un peu même, car inconsciente, ou telle une toxicomane ne pouvant se retenir, entre juillet et octobre 2020, entre les deux confinements donc, j’ai dû faire à minima une bonne trentaine de visites dans des musées, véritable petite orgie cérébrale pour une petite amante trop longtemps délaissée et on ne peut plus dépendante.

Je revivais telle une entichée un peu stupide qui retrouve son ex-amant qui a finalement décidé de revenir la consommer non par amour, mais juste par facilité, pour mieux finir par me faire de nouveau jeter.

Dans tous les cas, fut-ce uniquement par chance ou parce que les lieux que j’ai visités avaient organisé cela correctement, je suis passée, pendant cette trentaine de rendez-vous galants avec mon amante la Culture, à travers les mailles du filet vengeur du danger de la liberté à peine retrouvée.

 

Puis, quand j’ai réalisé que ce jeu du chat et de la souris allait finalement revenir et perdurer, que les lieux de culture étaient de nouveau menacés, fermés, j’ai vite déchanté.

Telle une divorcée, rejetée, celle qui n’a pas choisi la séparation, mais qui la subit, après s’être fait quitter violemment sans signe avant-coureur une seconde fois, après l’ultime baiser et les derniers coups de reins d’un amant qui a joué la comédie pour vous fourrer dans son lit, je n’ai eu plus que mes beaux yeux pour pleurer, et ce goût de cendre de vie gâchée dans la bouche pour toute compagnie dans mon chez moi riquiqui.

Ce credo du « je t’aime moi non plus » cela fait bien une décennie que j’essaie de m’en passer dans ma vie privée, et je n’ai pas une folle envie de le pratiquer lors de mes loisirs, ces moments qui n’appartiennent qu’à moi et qui me sont essentiels, car me procurant du plaisir, et qui m’importent également pour ne pas être réduite uniquement à un simple un outil au service d’une société qui n’hésitera pas à me piétiner si je cesse de lui rapporter.

 

Depuis un an, comme beaucoup d’entre vous, je suis en crise d’anorexie culturelle, j’ai beau faire des séances de boulimie de culture en ligne, dans cet univers, rien ne remplace le réel au virtuel. Aussi je ne fêterais pas cet anniversaire, mais je serais bien la première à aller chanter la sérénade à mes lieux culturels préférés dès que je pourrais y retourner.

Childfree, ou lâchez-moi l’utérus
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 Childfree, ou lâchez-moi l’utérus

Rebecca Rotermund - publié le 19/03/2021 par Le String Magazine

correction : Fanny Leborgne

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D’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais voulu d’enfants.

 

Pas d’envie, pas de frétillement des trompes de Fallope mais plutôt une sécheresse totale du désir, et les ovaires qui, rien qu’à cette idée, pourraient bien être capables de se rétracter pour ne plus jamais ovuler.

Du moins c’est ce que j’aimerais, comme ça je pourrais me passer de contraception et d’avoir la peur d’être victime un jour d’une grossesse non désirée, malgré les protections et moyens de contraception utilisés(1), et pire encore de m’en rendre compte trop tard et de me retrouver coincée(2).

 

Je n’ai vraiment jamais voulu d’enfants, je n’ai pas eu de doute : non, vade retro ovule fécondé, fœtus et bébé à gérer. Mais, malheureusement pour moi, je suis une femme et non un homme, et, les années passant, l’incompréhension à ce sujet n’a fait que s’accentuer.

 

J’ai 34 ans, et ça fait au moins vingt ans qu’on me pompe l’air à ce sujet.

 

Adolescente, j’ai eu droit aux commentaires sur le fait que je faisais ma crise d’ado, ma rebelle, et que cela justifiait mon « faux » rejet de la maternité. Tout le monde se disait que j’allais rejoindre le rang, m’assagir et finir par vouloir pouponner.

 

Sauf que de désir d’enfant, je n’en avais jamais eu, et même plus tard il n’est pas davantage apparu. Mioche, je ne supportais pas les petits frères et sœurs des copains-copines quand je les voyais ; ado et préado, je les supportais encore moins quand j’allais chez mes amis et que les bambins s’incrustaient.

 

Je me suis même fâchée avec les parents d’une copine qui nous refourguaient les plus petits à garder quand j’étais là. Moi, je venais voir mon amie et je n’en avais rien à cirer des morveux à surveiller et à torcher.

Ça me gonflait au plus haut au point et ça gâchait mon plaisir, donc j’ai fini, du haut de mes 14 ans, par lâcher un « je ne suis pas votre baby-sitter, je ne suis pas payée, veuillez m’en débarrasser » qui, bien sûr, est très mal passé.

J’ai alors pris le parti d’inviter mon amie chez moi, mais de ne plus aller chez elle, car il était hors de question pour moi de me laisser polluer. Du côté de ses parents, la pilule n’a jamais été digérée : sacrilège, je n’étais pas énamourée à l’idée de m’occuper de leurs rejetons sacrés.

 

Lorsque j’ai atteint la vingtaine, mon opinion n’ayant pas évolué, on ne me croyait pas et on me disait que c’était parce que j’étais une fille sérieuse, qui privilégiait ses études. On m’a même dit moult fois que c’était bien, car je serais alors plus tard une bonne mère, avec un bon salaire pour bien assumer les besoins de la progéniture que j’allais pondre une fois diplôme et mari empochés (dans l’ordre que je voulais). Propos tenus par des gens qui ne m’étaient pas spécialement proches et même parfois que je considérais presque comme des inconnus.

 

Quand j’ai approché la trentaine, les gens – je dis les « gens » car encore une fois il s’agissait de mon entourage ou non – ont commencé à paniquer. Je n’avais toujours pas l’air de vouloir me poser et sacrifier mon style de vie pour une maternité qui me répugnait toujours autant.

C’était certainement ma dernière rupture, difficile à avaler, qui me freinait. Mais il ne fallait pas que je m’inquiète, on compatissait, et dès que j’aurais rencontré le bon, le désir d’enfant (que je n’avais pourtant jamais eu) reviendrait.

 

Depuis que j’ai la trentaine, le sujet revient constamment sur le tapis. Notamment de la part d’inconnus, ou presque, qui se permettent d’aborder le sujet. Les collègues, les voisins, n’importe qui s’autorise à poser la question : « Tu as des enfants ? » Et si la réponse est non, la question suivante est : « C’est pour quand ? »

La différence, c’est que maintenant en plus on me met la pression en me rappelant qu’avec le temps  ma fécondité va diminuant. Parfois j’ai l’impression que même ma boulangère, un jour, va se permettre de débattre de ma santé et de ce que je fais de mes ovaires.

En attendant, on me regarde avec pitié ou mépris, parce qu’apparemment je n’ai pas compris le sens de la vie. Une femme qui ne veut pas enfanter est une femme qui va contre sa destinée. Je n’arriverais jamais à accepter cette idée de devoir être une génisse, élevée dans le seul but de procréer, que me renvoie en permanence la société.

 

J’ai 34 ans, maintenant, et les enfants, je m’en tape toujours autant. J’avoue que je ne m’occupe même pas de ma nièce, ça ne m’intéresse pas.

Entendons-nous bien, je suis ravie du bonheur d’être parents que cela a apporté à ma sœur aînée et à mon beau-frère adoré. Mais je ne suis pas la tata qui vient pour s’en occuper. Je savoure de loin leur joie mais je ne suis pas active, même si ça ne m’empêche pas, avec ma distance, à ma façon, de les aimer.

 

J’imagine sans aucun mal que, une fois passée la quarantaine, je devrais vivre avec les regards peinés des crétins finis, à la cervelle javellisée par la société, qui verront en moi, au choix : une femme infertile qui n’a pas réussi à enfanter, une célibataire qui n’a pas trouvé chaussure à son pied, ou encore et toujours cette folle qui n’a voulu donner la vie, en sale égoïste qui s’est loupée et n’a rien compris au rôle de la féminité qui lui était pourtant socialement impartie.

 

En attendant, j’adore couper le sifflet des malavisés qui se permettent, alors qu’on ne se connaît pas, de me demander pour quand sera le bébé, et qui me rappellent qu’il faudrait que je commence sérieusement à me poser et à me manier, en leur répondant que parler de ma chatte et s’enquérir de savoir si un phallus masculin est venu – ou prévu pour venir – me gicler sur les ovaires est quelque peu déplacé.

Ça coupe court au sujet.

 

Alors lâchez-nous toutes l’utérus, et les moutons, dans la bonne humeur, seront bien gardés(3).

 

 

1 - La contraception n’étant malheureusement jamais fiable à 100 %, nulle n’est à l’abri.

 

2 - Certaines femmes continuent à être menstruées pendant leur grossesse.

 

3 - Une pensée émue également, à l’inverse, pour les femmes en mal d’enfant qui doivent subir la question(4), les remettant sans cesse devant leur difficulté à enfanter.

 

4 - La question, oui : parce qu’il s’agit de torture mentale, à la longue.

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Et voir disparaître l’ancien monde

Rebecca Rotermund - le 29/03/2021

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Ce jour, je sors mes poubelles, après avoir trié mes détritus toute la semaine, me rendant dans le local adéquat de mon habitat, et reste une nouvelle fois, comme une conne, en colère mon sac poubelle à la main et mes déchets recyclables dans l’autre : dans mon immeuble, pourtant bien équipé, avec un local entretenu et des conteneurs de tri sélectif, ce qui est un confort, zéro effort pour aller jeter ses déchets en les triant, je vois comme à chaque putain de fois que bon nombre de mes voisins ne jouent pas le jeu. Ce petit jeu de rien du tout, qui ne demande pas grand-chose pourtant à vrai dire : simplement de prendre une demi-seconde pour séparer chez soi ce qui est recyclable ou non.

Je remonte chez moi, en pestant, après cette année de COVID, qui ne m’aide sûrement pas à être indulgente, et, sous ce prétexte d’anniversaire de celui-ci, prends le temps de faire le bilan, de me poser la question suivante : quel impact écologique dans nos vies et qu’est ce qui a vraiment changé au quotidien dans nos pratiques ?

J’exclus ici, dans les aboutissants dus à cette pandémie, notre vie sociale totalement décédée [voir mon article précédent Anorexie culturelle du 15 mars 2021], et m’efforce de songer à ce que la vision de ces poubelles maltraitées ont déclenché en moi : y a-t-il eu du positif dans tout ce négatif, l’être humain consumériste, que la société nous pousse sans cesse à être, a-t-il eu enfin une once de réaction, ne serait-ce qu’un sursaut de début de conscience quant au fait qu’actuellement il ne fait que payer sa pollution et que la COVID n’est qu’un des nombreux retours de bâtons que le futur se fera un plaisir de nous renvoyer en pleine face ?

 

En mars 2020, mes amis, qui à l’inverse de moi sont pour beaucoup d’entre eux extrêmement positifs et de ce fait souvent assez peu réaliste sur l’état de notre triste monde, avaient gagés que devant l’ampleur de la catastrophe, une majorité de personnes comprendraient que nos styles de vie, notre manière de consommer changeraient obligatoirement pour devenir plus sain, écoéquitable, écologique et autres… 

De mon côté, j’en doutais fortement, même si j’avoue avoir eu une infime vague d’espoir à un moment, soupçon qui s’évanouit rapidement en voyant mes dits-amis continuer à consommer de la même façon, sans autre changement réel de vie, se contentant de rester sagement chez eux en confinement, participant au moins ainsi à cette tentative dérisoire — car extrêmement mal gérée par notre État — de préserver des vies humaines. (Ce qui est bien, mais qui n’est en réalité que la base en période de pandémie… mais que la majorité des idiots ne comprennent toujours pas une année plus tard, pour motif d’un gouvernement incapable d’agir, de communiquer intelligemment et de gérer les choses.)

Je me suis dit, comment voulez-vous que le monde change, si même les personnes favorables au changement et qui aime pérorer dessus n’entament pas le cheminement entre leurs pensées positives et la réalité de leurs actes qui doivent les accompagner ? En somme si même ces personnes qui se sentent concernées n’agissent pas, qu’attendre du reste de la masse populaire en sommeil ?

Certes, le cheminement ne peut que se faire que par petits bouts, tant nous sommes accrochés à notre confort de vie (qui s’avère être aussi souvent notre prison), et tant il est difficile de changer tout radicalement de but en blanc en perdant tous nos repères (chapeau bas pour ceux qui y arrivent).

Néanmoins toutes ces paroles de vouloir mieux, de se vouloir responsables et garants d’une ne serait que micropartie d’un monde futur meilleur, ne remplaceront jamais un geste concret. Je veux dire que j’ai commencé cette année à être vite saoulée de toutes ces personnes se gargarisant entre elles de bons sentiments et de bons principes, mais qui ne se bougent pas le poil d’un cul pour finalement y participer. En ça, après avoir bossé avec des politiques et avoir vu ce type de comportement non-stop, j’ai eu l’impression que mes amis avaient attrapé cette espèce de sale maladie du je parle, je dirige et j’applique le très célèbre « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Et j’en eus vite fait d’en avoir assez.

Certes, en me mettant à la place de mes chers amis plein de bonnes volontés, mais incapables du moindre acte répondant de leurs paroles, je me dis, pour essayer de les dédouaner, que je ne peux que comprendre, devant le sentiment de peu d’efficacité de nos microgestes écologiques ou non consuméristes (ou au moins moins consuméristes qu’avant) du côté dérisoire de ceux-ci, de cette impression de gouttelettes dans un océan infini de conneries et de gâchis et donc d’inefficacité.

Mais comment ne pas penser qu’il vaut mieux un petit mieux qu’un rien du tout, qui, s’il était partagé par beaucoup plus, à force d’éducation de communication et de prise de conscience, aurait tout de même un peu de poids. (Certes insuffisant pour renverser la vapeur.)

Sachant que nous sommes responsables de la destruction de notre propre écosystème, pourtant vital pour nous, nous qui ne sommes au contraire pas du tout vitaux pour lui, que cette destruction nous a amené à toute une série de pandémies et de catastrophes écologiques (Tchernobyl, Fukushima et autres joyeusetés moins visibles, car moins médiatisées), donc la dernière la COVID-19, et que quasi personne ne remet en cause quoi que ce soit dans notre façon de vivre et de consommer (ou uniquement dans la théorie et pas dans la réalité), comment ne pas lâcher définitivement le morceau sur l’humanité ?

Devant tant de connerie, personnellement j’en viens à me dire qu’autant que nous continuions et que nous finissions par tous crever. Égoïstement, n’ayant pas d’enfant, je pourrais n’en avoir absolument rien à foutre de ce que je vais laisser derrière moi. Cependant, bien qu’ayant à la base ce défaut de personnalité très Louis XV, « après-moi le déluge », tout du moins dans la gestion d’une partie de ma vie, celle-ci n’inclut pas l’idée de ne pas agir et de laisser derrière moi une planète complètement déglinguée. Pourtant je sais que celle-ci nous survivra, une fois l’extinction humaine achevée (et bien méritée).

 

Non, ici, je ne me soucie effectivement pas de l’avenir des Hommes, mais de celle de tous les êtres vivants qui composent ce cercle de la vie — et non la pyramide comme le croient les humains se pensant supérieurs à tous. Mes émerveillements quotidiens — et gratuits — passent par le plaisir d’observer les oiseaux, de les entendre chanter, ou encore d’admirer la beauté du ciel, ou d’une plante. Même s’il est vrai qu’entant qu’aficionada de la culture, mes autres plaisirs sont ceux d’un regard sur un bon film, une œuvre d’art, une statue, une peinture, un bon livre, une visite de musée, une découverte architecturale ou autre.

Or il me semble qu’une fois que l’humain aura enfin fini de ruiner totalement la Terre, mes deux types d’amour seront morts, que me restera-t-il comme joies quotidiennes, quand Dame nature aura fini par expirer et nous laisser à notre propre laideur, et quand l’art qui comme nous l’a montré notre gouvernement ne faisant pas partie des « essentiels ni du nécessaire », n’aura plus lieu d’être et finira par disparaître (sauf peut-être encore une fois pour les très riches qui s’en sortiront toujours, et qui sont hautement partie prenante de la destruction de notre monde). Car oui viendra un jour où ceux qui « chevauchent le tigre » n’auront plus rien à chevaucher, pas même une peau de chagrin réduite à son minimum de rayures orangées noires et tigrées.

 

En bref, ce que je voulais dire avec ce billet, c’est qu’une fois mon mouvement de rage fut retombé — par manque d’énergie physique et mentale — je m’aperçut que cette année de pandémie mondiale (qui n’est pas la première ni la dernière dans notre histoire de l’humanité, même récente, mais la première pour nous au XXIe siècle qui aura réussi à bloquer notre système économique libéral, pour un temps, bien que rappelons le, les plus grandes fortunes de France ont continué à faire des bénéfices en 2020), n’aura ouvert les yeux à presque personne, ou si peu, ou à des personnes ne voulant pas pour autant changer quoi que ce soit à leur style de vie.

Si mes propres amis, pourtant à fond sur ce sujet, n’ont pas bougé d’un iota, si moi-même je n’ai fait que continuer à faire les — petits ? — efforts que je faisais déjà, tout du moins en accentuant que ceux j’avais déjà commencé à amorcer depuis plusieurs années, il faudra bien avouer que cette pandémie n’aura pas eu – au moins dans le domaine de la prise de conscience écologique — d’impact positif. (pour preuves les masques abandonnés à leurs tristes sort dans les rues par des imbéciles mal éduqués et incapables d’utiliser une poubelle.)

 

Alors, à défaut de voir mon souhait se réaliser : de voir disparaître l’ancien monde, celui de l’avant COVID, celui d’un patriarcat destructeur des femmes et de la planète, j’en viens régulièrement par dépit à souhaiter voir disparaître définitivement tout notre monde.

c'est bien connu ou hystérie
Va te faire réifier !

Va te faire réifier !

Rebecca Rotermund - le 19/04/2021

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C’est beau chez toi avec ta petite décoration Maison du monde ou Ikea. Tu as pensé à tout, les cadres, les plantes vertes, les meubles de goût, pourtant il te manque un je ne sais quoi, il y a un vide chez toi. En fait, si tu veux bien ouvrir les yeux, tu t’aperçois que le néant est en toi.

 

Comment combler ce sentiment de ne pas tout posséder ?

Moi je sais !

 

Tu n’as pas encore réalisé que de toutes les possessions que tu t’es acharné à accumuler, il te manque la principale, la pièce maîtresse pour habiller et entretenir les tiennes : une femme en chair et en os, une potiche, un yucca de compagnie, une jolie bonniche qui sera le joyau de ton intérieur pour boucher le vide de ta vie.

 

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Tu sors et tu traînes dans la rue, tu t’y ennuies seul ou en compagnie.

 

Les journées te semblent longues, ou au contraire tu te satisfais du néant de celle-ci, mais tu voudrais épicer ce quotidien répétitif ou désuet ? 

Pas de panique, je vais t’apprendre comment le pimenter !

 

Et si tu pourrissais la vie de toutes les femmes qui ont l’audace dans l’espace public de passer à ta portée ? Tu peux au choix : engager une conversation, alors que tu vois clairement dans leurs yeux leurs désintérêts et leurs volontés de t’ignorer, ou encore les siffler comme des animaux, les draguer lourdement ou les insulter, faire des compliments sur leurs physiques qui seront toujours des remarques déplacées. Bref, tu as l’embarras du choix pour t’occuper.

 

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Tu es un brave petit citoyen qui va bosser, ton quotidien c’est métro-boulot-télévision-dodo.

 

Tu passes plus de douze heures par jour dans les transports et dans un bureau, pour un salaire et un niveau de vie qui ne t’apportent pas de réelle satisfaction, et tu veux trouver un exutoire et pouvoir te libérer de cette frustration ?

Moi j’ai une idée pour t’aider à te défouler !

 

Pourquoi est-ce que tu n’agresserais pas les femmes sur ton trajet, dans les transports en commun, ainsi que dans le lieu où tu dépenses ton temps et ton énergie pour une rémunération qui est une bien maigre contrepartie ?

Une multitude de possibilités s’offrent à toi. Il t’est possible de t’y adonner par des regards vicieux, qui leur feront sentir qu’elles ne sont que des assemblages de chairs, des bouts de viandes à juger, peser, consommer. Tu peux faire des réflexions à voix haute sur leurs physiques ou sur tes envies de sexualité pour créer un malaise polluant tout autant déplacé. Et tu peux t’acharner sur elles et les achever en les draguant ou en procédant à des attouchements qui seront des agressions, car bien sûr tu passeras outre quand elles te diront non.

 

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Ou tu es juste un idiot qui n’a jamais réfléchi à l’impact de ton comportement, de tes gestes et de tes mots, et tu n’as aucune idée de ce que tu fais ?

Et là aussi, je peux t’aider !

 

Est-ce que tu connais le verbe réifier ? Parce que c’est pile-poil ce que tu fais quand tu méprises le ressenti des femmes en face de toi, quand tu t’imposes et que tu penses que parce que tu es un mâle tes désirs font forcément loi. Tu vois les femmes comme des objets à ta disposition, ou justement hors de ta portée, ce qui te fait rager.

Tu oublies, sciemment ou inconsciemment, que toute femme est un être humain qui n’est pas qu’une composition à base de chair-fesses-nichons, créée uniquement dans le but de te combler. Et pire, en imbécile, tu t’en satisfais.

 

Je n’ai qu’un mot à te dire, toi-même, va te faire réfier !

Pourquoi personne n’a besoin d’un poster d’Hoshi

Pourquoi personne n’a besoin d’un poster d’Hoshi

Rebecca Rotermund - le  29/04/2021

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Mercredi 7 avril 2021, un chroniqueur musique connu, Fabien Lecœuvre, s’est permis, à l’antenne, de nous faire une belle démonstration live typique du mâle dominant cis genre élevé au patriarcat 100 % machisme pur beurre.

Sans le moindre degré de la notion de respect — et clairement sans un seul moment de doute — le voilà qui s’excite sur sa vision de l’univers musical : des bonnasses, avec ou sans cervelle et talent, qui seraient là pour vous faire bander, avant d’être là pour vous envoyer un putain de son de qualité.

Sans doute s’est-il trouvé intelligent, drôle et surtout viril, en pointant du doigt un desideratum, qui n’en est un que pour lui et ses comparses polluants les machos, sous forme de regrets purement phallocrates : le fait que le physique ne soit plus pris en compte dans la sélection des artistes de la scène musicale d’aujourd’hui.

 

Et bien oui papy, va donc mettre tes couches et avaler ton viagra pour aller t’exciter seul, comme le vieux con que tu es, sur les photos de tes artistes préférées que tu renvoies par ton comportement pervers à un rôle de potiche à fantasmes !

Pour ton information, de notre côté, nous n’écoutons et ne suivons un.e artiste que pour son art et non pas pour sa belle gueule ou son cul. Alors arrêtes de rêvasser et de regretter ce pitoyable « c’était mieux avant », digne d’un vieux sot vieillissant dépassé par le monde actuel, et n’oublie pas que, Dieu merci, de tout temps de nombreuses personnes ont préféré le talent à une plastique !

Pour parfaire ton éducation, qui clairement laisse à désirer, et comme je ne suis pas sûre que tu en aies conscience : la notion de beauté est de toute façon une question épineuse et subjective, en perpétuel mouvement, et donc TA notion du beau n’est certainement pas l’unique, la bonne, la seule, de droit divin et partagée par tou.te.s.

Quant à ton délire obscène de rabaisser un.e artiste à de la chair fraîche validée par ton phallus non plus.

Nous ne pouvons, par ailleurs, que nous questionner sur ce tollé que tu as provoqué (puis tenté de rattraper en le qualifiant faussement de « dérapage ») : ce rapport malsain à l’art et à ce lien pornographique envers les artistes, expression pure d’un manque d’éducation ou résultat une éducation sordide où la valeur humaine et le travail se cotent sur une échelle subjective de l’esthétique.

 

Voilà pourquoi personne n’a de toute manière besoin d’avoir un poster d’Hoshi dans sa chambre — sauf pour ceux qui ont éventuellement cette envie personnelle en matière de déco : simplement parce notre plaisir passe par le fait d’écouter ses chansons, fruits de son âme et de son labeur, et non par celui de lui attribuer une note sur son physique dans le but de nous branler le phantasme. Par contre, nous ne pouvons que t’attribuer, à toi Fabien Lecœuvre, un 10 sur 10 concernant ta connerie et ton phallocratisme dépassé.

Mais si ton besoin primordial consiste en réalité à rêver de posséder physiquement les artistes en t’astiquant mentalement ou physiquement le gland, conseil : va directement sur Youporn, où le travail des performeurs est bien là pour ça, et n’impose pas ton besoin de libido de mâle cis genre vieillissant à la société qui se passera de ton désir/besoin pervers !

 

 

PS : nous noterons donc également que pour ce monsieur, confie dans l’idée qu’une femme — artiste ou non probablement — est avant tout un corps qui se doit de répondre à des critères de beautés irréalistes et se doit de plier sous le poids de l’injonction patriarcale à la beauté, que globalement 95 % des femmes au minimum sont donc des thons qui feraient mieux de ne pas créer et de ne pas avoir le droit de s’exprimer.

 

PPS : Notez que le sujet ici n’est pas la masturbation, acte on ne peut plus naturel.

C'est bien connu, hystérie et au

C’est bien connu

Ou hystérie et autres divagations sexistes

Rebecca Rotermund - le  10/05/2021

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Ce vendredi dernier, le 7 mai 2021, je glandouillais sur la toile, précisément sur Instagram, où j’aime suivre des comptes artistiques et/ou féministes, quand je tombe sur un post de @wtfeminisme (quel nom merveilleusement bien trouvé d’ailleurs) qui parle de ce cliché absurde et misogyne, j’ai nommé : l’hystérie, sous forme de jeu éducatif, en posant la question « sexiste ou non » ?

Je fais défiler rapidement le post, en me disant que c’est assez fou que l’on doive encore éduquer les gens sur ce genre d’images complètement machos et dépassées, et je trouve ça cool que d’autres consœurs y pensent parce que, voilà, l’hystérie pour moi c’est tellement XIXe siècle que, non, je n’aurais pas pensé à en parler. Sauf que voilà, ayant pour une fois du temps devant moi — coincée au téléphone dans la file d’attente d’un service après vente — je me risquais, cette fois-ci, à lire les commentaires, et là, je vous le dis, les bras m’en tombèrent.

Je fus atterrée et donc au niveau même de la connerie patriarcale des commentaires — masculins mais féminins également — qui furent laissés là. Au moins, j’étais à leur niveau eux qui se trouvaient être au ras des pâquerettes.

Merde, me disais-je alors, mes consœurs ont vraiment raison ! Il faut éduquer même sur les plus infimes clichés, ou le XXIe siècle continuera à ressembler aux siècles passés.

 

Deux réponses, sur ce post, en particulier me heurtèrent plus que d’autres, une sans aucun doute d’un mâle cisgenre dominant qui doit réfléchir avec ses pieds — notez je n’ai pas dit bite — qui ne doit n’avoir jamais appris à réfléchir par lui-même et donc qui gobe les fausses croyances populaires que ces grands-parents ont dû lui inculquer, et qui nous répondait que « c’est bien connu » et aussi que les femmes « ont un vide dans le ventre à ce niveau » et que donc « c’est normal que ça engendre du désordre ». Bon, ok, mon grand ton éducation rudimentaire est sans doute resté bloquée quelques siècles en arrière et tu ne devais pas briller en cours de sciences de la vie et de la terre au collège non plus.

La seconde qui m’interpella, en mode « humour », provint d’une femme qui mériterait des claques sous forme d’humour également, pour faire comme elle bien sûr, puisqu’elle se permettait de gifler elle-même son propre genre, en nous informant, sans doute dans sa grande bonté, que « c’est bon quoi il faut arrêter de faire les choqués, hystériques c’est pour désigner les casse-couilles ». Merci m’dame pour ta science de la sémantique et ta sémiologie à deux balles, je te propose un stage intensif chez Larousse pour apprendre la valeur des mots, c’est de bon cœur, je te le paie si tu veux, vraiment prend, c’est cadeau et ça vient du cœur.

Qu’un mec ayant une défaillance éducative, sans doute du fait de son environnement patriarcal où on ne lui a pas appris à penser par lui-même et donc autrement qu’en bourrin dominant à cause de son sexe de naissance, m’agace déjà prodigieusement, parce que je me dis que pour attendre l’égalité homme/femme on n’est définitivement pas sortis de l’auberge. Mais qu’une femme fasse du tort à son propre sexe m’interpelle et m’attriste bien plus.

En bref, ma question fut alors : que font ces deux glandus perdu sur un post féministe ? Hasard dû au scrolling sur Instagram, volonté de troller des comptes féministes, besoin d’étaler sa science n’importe où à l’ère du moi-je numérique, ou réelle envie d’apprentissage via ce compte @wtfeminisme ? Je ne sais pas, et je crois que par humanisme je préfère miser sur le dernier choix.

Aussi, comme vous l’aurez compris, ni une, ni deux, mon sang s’échauffa — poireauter sur une hotline pendant des plombes ne m’encourageant pas tellement non plus à garder mon calme — et je ne pus m’empêcher de tout lire et d’avoir envie de répondre.

Je condensais alors mes idées et je me jetais sur mon clavier, en prenant soin de ne pas être agressive — enfin le moins possible — le but n’étant pas de faire fuir les apprentis potentiels qui partent de très loin. (Oui ok, j’aurais dû me calmer un peu plus avant de leur répondre, je sais.) Puis je pris, pour une fois, le temps de répondre à des anonymes sur la toile.

 

Ma réponse postée, le sujet ne s’évapora pas aussi rapidement que les images que je continuais à faire défiler sur mon smartphone, pendant que je prenais racine dans le sol en attendant toujours d’être en ligne avec mon service après vente. J’eus beau faire filer d’autres sujets sous mes yeux, celui-ci me resta coincé en travers de la gorge.

J’avais la preuve par trois que, malheureusement, notre société malade à un besoin d’éducation de cette ampleur : celle qui consiste à éduquer les hommes comme les femmes sur tout ce qui touche au sexisme ordinaire. Ce sexisme que nous faisons vivre et perdurer, dont nous usons sans même y songer et auquel nous participons tou·te·s tous les jours, sans même plus nous en rendre compte, ou sans vouloir nous en rendre compte. Ce sexisme linguistique caché dans le vocabulaire quotidien qui démontre clairement que le temps passe, mais que le passé patriarcal, dont nous sommes présentement imbibé.e.s, et donc nous sommes finalement encore sous le joug direct, risque de perdurer éternellement si nous ne portons pas d’attention à la valeur des mots que nous utilisons, en permettant que même un petit mot comme hystérie ait encore un impact phallocrate et rabaisse le sexe féminin qui n’y est pour info - scientifique — rien.

Alors merci à ceux·elles qui pensent à mettre des sonnettes d’alarme et à nous faire réfléchir et penser sur les plus infimes sujets qui sont liés à ce déséquilibre entre les sexes que notre société aime tant créer, ou la maladie du patriarcat ne finira jamais de laver les cerveaux à coup de « c’est bien connu » et autres clichés qui puent.

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Pour les plus curieux·euses d’entre-vous, ma réponse fut la suivante à la question : l’hystérie sexiste ou non ? (à retrouver ici sur le post initial ici sinon.)

 

Les réponses en mode "Pourtant c'est bien connu"... what an argument ! Fou rire !

Dites moi que c’est un troll !

 

C'est bien connu les menstrues font tourner la mayonnaise.

C'est bien connu en Inde les femmes au moment des règles rendent impropres à la consommation les cornichons en bocal.

C’est bien connu pendant leurs règles les femmes portent malheur.

C'est bien connu les chats noirs aussi.

C'est bien connu les pattes de lapins portent chance.

 

Par contre c'est prouvé que le sexisme et les clichés et croyances débiles, dus à un manque d'éducation et à un "ha bah on me l'a dit, c'est bien connu, donc je ne me renseigne pas et je ne cherche pas à savoir si c’est scientifique et véridique »  font beaucoup de victimes.

 

Pour information, le terme d'hystera, à l'origine du terme d'hystérie, est utilisé par le médecin grec Hippocrate pour décrire une maladie dans son traité Des maladies des femmes. Cette maladie était donc décrite comme intimement liée à l'utérus, la théorie admise étant que celui-ci se déplaçait dans le corps, créant les symptômes.

Sauf que c’est ballot, il n’y a pas de vide dans les corps humains, pas plus chez la femme que l’homme. Et ça c’est scientifique.

Petit regain du truc au XIXe s, les psychanalystes complètement sexistes de l’époque, usaient et abusaient de ce terme dès qu’une femme pétait de travers ou manifestait sa souffrance due à sa condition de femme dans une société machiste.

Point positif, haha, c’est à cette période qu’ont été inventés les premiers vibromasseurs à la fin du XIXe siècle dans le but de soigner l'hystérie des femmes! Les médecins de l’époque passaient parfois une heure à «traiter» leurs patientes (c’est-à-dire à les masturber à la main), et ça les épuisaient les pauvres loulous. Alors hop on crée une petite machine pour soigner un mal, mal diagnostiqué, et maintenant ça nous sert, si on en a l’envie, de jouet.

 

Par contre c’est bien et c’est avéré le manque d’éducation et la connerie tuent des femmes tous les jours dans ce monde patriarcal désolant…

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Puisque pour espérer obtenir justice en France, pays des droits de l’Homme, il nous faut nous tourner vers la justice européenne !

Puisque pour espérer obtenir justice en France, pays des droits de l’Homme, il nous faut nous tourner vers la justice européenne !

#JusticepourJulie

Rebecca Rotermund - le  17/05/2021

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Il y a quelques jours a été ouverte une cagnotte en ligne, pour demander une aide financière à quiconque serait touché par la situation de Julie et par sa volonté de poursuivre son combat contre l’impunité de ses 22 agresseurs, car tel en a décidé honteusement la justice française, nous prouvant, une fois de plus, avec ce verdict, que nous vivons dans société ouvertement et pleinement dans une société de la culture du viol et de la pédophilie.

Devant ce déni de justice — car comment réussir à le qualifier autrement — et dans l’impossibilité d’accepter celui-ci, sans risquer de perdre une seconde fois sa dignité que 22 monstres ont déjà tenté de lui ravir et que la justice française se fait manifestement un plaisir de bafouer à son tour, Julie a besoin de nous tous pour l’aider à réunir des fonds, afin de pouvoir continuer sa lutte, obtenir justice et pouvoir enfin ne plus se contenter de tenter de survivre, mais vivre pleinement une vie qui lui a été amputée depuis ses 13 ans, âge à laquelle ses violeurs l’ont agressée pour la première fois.

Julie a besoin de nous pour pouvoir porter son affaire auprès de la Cour européenne des droits humains, puisque notre si beau pays des droits de l’Homme nous a démontré une fois de plus que ceux-ci ne sont en réalité que celui des hommes et certainement pas des femmes.

Alors, soutenons moralement et financièrement, pour celles et ceux qui peuvent se le permettre, ce nouvel acte, montrant ainsi que nous n’acceptons pas ce honteux mépris de la justice dans cette affaire qui dure maintenant depuis 10 ans.

 

Il ne s’agit pas ici, pour Julie et ses proches, de charité ou de demander l’aumône, mais de justice. Il n’y a pas dans cette campagne de demande soutien de « à votre bon cœur messieurs dames », puisque le but ici de ce mouvement n’est pas celui de vous faire ouvrir vos cœurs, mais bien celui de vous faire ouvrir votre conscience. Celle d’un monde inégal, où le patriarcat destructif, le sexisme ordinaire et les violences faites aux femmes — incluant ce mépris ordinaire que la France a pour ses femmes y compris au niveau judiciaire — se lient à celui de la fracture sociale où les moins favorisés n’ont pas les moyens par eux-mêmes de pouvoir d’accéder à la justice, contrairement aux grands de ce monde qui eux s’en sortiront toujours, comme nous le prouve régulièrement les actualités, une justice donc au service des dominants.

Le point ici n’est pas non plus de vous faire culpabiliser sur votre potentielle indifférence à propos de cette affaire qui occupe de nombreux partisans depuis maintenant une trop longue éternité. Non, le sujet est avant tout de vous faire réaliser la potentialité et la possibilité que cela vous arrive aussi à vous ou à vos proches, quels qu’ils soient, un jour de vulnérabilité. Car c’est purement et simplement ce que nous démontre l’histoire de Julie : il s’agit ici d’une très jeune fille mineure en situation de fragilité, qui a eu besoin des services d’urgences des pompiers de Paris, qui eux, en retour, se sont permis d’abuser d’elle physiquement à de nombreuses reprises et ce en bande organisée lors de viols en réunion. L’histoire donc de 22 violeurs qui s’en prennent, dans le cadre des services de leur fonction républicaine, à une très jeune fille en situation de fragilité et sollicitant leur dit services.

Est-il utile de noter ici, noir sur blanc, que l’on a rarement besoin des pompiers lorsque l’on n’est pas dans une situation de besoin d’aide et donc vulnérable psychologiquement ou physiquement ? Apparemment oui.

Est-il utile de noter que n’importe qui sera un jour amené à être dépendant des services d’urgentistes quels qu’ils soient et donc dans le risque de vivre le même calvaire que Julie, dans une situation de besoin, d’aide, de dépendance et donc sans défense, en proie donc à des agresseurs qui profitent de ce moment de faiblesse, d’autant plus que la justice française ne souhaite pas et même je dirais est dans la volonté de laisser ceux qui sont dénoncés impunis, validant ainsi leurs actes, nous informant par conséquent que nous pourrions tous être des victimes, autorisées par l’État, de prédateurs sexuels qui exerceraient leur prédation dans le cadre de leur métier, y compris pour des membres de la fonction publique et de fait représentant d’un État français qui banalise et autorise le viol en refusant de punir des auteurs de crimes qui le représente de ce fait assez bien ?

Le sujet ici est donc bien le suivant : nous sommes tous concernés par celui-ci, car tous des victimes potentielles un jour, en ayant besoin d’aide et de soins urgents, de cette barbarie commise en toute impunité, car validée par notre République française.

 

Dans notre si beau pays des droits de l’Homme et du citoyen, qui est en réalité celui de l’homme sans majuscule, car clairement pas celui de la femme, Julie se retrouve obligée de devoir aller toquer à la porte de la justice européenne, dans l’espoir que les crimes à répétitions dont elle a été victime pendant plusieurs années soient enfin reconnus et sanctionnés comme il se doit.

Certes, Julie fait ça pour elle, mais elle le fait également pour tous ceux qui risquent de le vivre un jour. Julie le fait pour sortir de sa condition de victime et pouvoir enfin finir de se reconstruire, pour être enfin libre de ce carcan que ces agresseurs ont tissé pour elle, hommes représentant l’État, hommes aux sexes faibles, puisqu’incapables de gérer des pulsions destructrices non partagées, à l’éducation défaillante et n’ayant pas connaissance des notions de consentement, de respect et de dignité humaine, et que notre justice française valide par son refus de rendre ce qu’elle représente, c’est-à-dire la justice.

Puisqu’actuellement la justice, chez nous en France, est rendue par des juges au nom des valeurs de la démocratie, c’est-à-dire défendant « l’intérêt général et l’égalité devant la loi », il est clair devant ce jugement odieux et méprisable que les femmes en France ne font pas partie de cet intérêt général et encore moins de notre soi-disant égalité.

Montrons que nous, citoyens concernés de ce pays, souhaitons nous opposer à des valeurs bafouées qui ne sont pas les nôtres et qui par conséquent ne nous représentent pas, pas plus qu’elles ne représentent notre Ve République française. Montrons que nul n’est au-dessus de la loi, encore moins ce qui agissent de façon criminelle dans l’exercice de fonctions du gouvernement.

 

Accepter ce jugement et ne pas aider Julie, c’est l’enfermer et la condamner pour toujours à rester une prisonnière de sa souffrance. Et c’est également faire savoir au monde entier que les personnes de sexes féminins n’ont pas de valeurs en France, et que notre sexe de naissance, pour les femmes, nous désigne d’office, dans cette société patriarcale, à être des victimes de violences sexuelles silencieuses qui acceptent leurs statuts et qui, si cela n’est pas le cas, seront de toute manière déboutées et raillées par la justice.

C’est montrer que notre système judiciaire est également sexué, constitué en grande partie de phallus phallocrates, ou du moins dirigé par eux, et qui ne ferait justice que pour ceux-ci. C’est nous condamner tous à subir un jour ce statut de victime, à rester marquée par le fer rouge du désarroi, de l’injustice et du peu de valeur que les femmes, et victimes de violences sexuelles, ont aux yeux d’une société qui se dit pourtant égalitaire et juste dans un pays de droits.

 

Avec Julie, nous espérons tous que l’Union européenne invalide ce jugement — en mettant en cause la responsabilité de l’État français en ce qu’il ne protège pas les victimes de violences sexuelles, et en particulier les mineurs et les femmes, État qui minimise les actes de criminels aujourd’hui en liberté, impunis et exerçant toujours leurs fonctions — et nous prouve qu’elle représente et défend autant les droits des hommes que celui des femmes qui la composent.

Nous espérons tous de l’Union européenne qu’elle nous prouvera ainsi que les femmes, vivant au sein de son union, ont autant de valeurs que les hommes, et que les violeurs et pédophiles — ici de surcroît des prédateurs en groupe, agissant de manière répétée, sur une longue durée — doivent être et seront judiciairement punis, mais également que ces êtres malfaisants, qui ne devraient plus avoir droit l’appellation d’hommes, ne devraient plus pouvoir exercer un métier, quel qu’il soit, qui les mettent en relation quotidiennement avec des personnes vulnérables physiquement ou mentalement.

C’est pourquoi nous devons tous donner, chacun à notre manière, pour Julie, pour nous-mêmes, sinon pour le bien collectif, et ne pas lâcher ce combat, sinon un jour, peut importe notre sexe, âge et genre, nous risquons à notre tour d’être Julie.

 

La cagnotte en question, c’est ici.

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Faire exploser les standards

Faire exploser les standards

Rebecca Rotermund - le  31/05/2021

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J’ai lu dernièrement sur le compte Instagram de @sand.cct – superbe photographe à suivre, dont le travail consiste à magnifier les corps dans leurs pluralités, et qui lutte contre les injonctions à la beauté et la notion binaire de genre, allez jeter un œil si ça n’est pas déjà fait – qu’il fallait « redéfinir les standards [de beauté] »… et bien non, certainement pas !

 

Il ne s’agit pas de les redéfinir, mais de les exploser définitivement !

 

À quoi bon remplacer des injonctions, qui font souffrir de nombreuses âmes, par de nouvelles, certes plus réalistes, mais qui risquent encore une fois d’exclure des personnes ? Quitte à engendrer une révolution, pourquoi se contenter de créer d’innocentes vaguelettes de révoltes sur l’océan plat des conneries patriarcales — même s’il est vrai que celles-ci dérangent déjà ?

Autant réussir, tou·t.e·s ensembles, à détruire cette platitude lisse et machiste, cette sale eau qui dort depuis trop longtemps. Allons-y gaiement, à notre sauce, pour faire de ce début d’avis de tempête, une mer en furie destinée à détruire leurs certitudes et injonctions phallocrates concernant ce qui est beau, ce qui a droit à l’image et ce qui est jugé actuellement comme laid et donc à ne pas exposer tout en nous faisant hautement culpabiliser. (Fun fact, pour rappel : 99 % des corps réels existants ne sont pas en adéquations avec l’irréalisme des retouches Photoshop et l’aide des bistouris(1).)

Autant faire partie d’un mouvement de déconstruction total de la souffrance (qui je crois touche tous les sexes, genres et identités), aussi ne participons pas et ne nous enferrons pas à nouveau dans un jeu de dupes consistant à remplacer des injonctions par d’autres, plutôt que de tout simplement annihiler le concept lui-même ?

Remplacer des sommations — tacites ou non — par de nouvelles, c’est continuer de jouer le jeu du patriarcat et le faire perdurer en lui donnant un nouveau visage. Alors, tant qu’à faire, atomisons totalement le schéma, histoire de ne pas se satisfaire de seulement déplacer un problème plutôt que de le solutionner. Autant couper le mal à la racine.

Car le danger, ici contenu dans cette phrase « redéfinir les standards [de beauté] », est bien le suivant : le but de cette action qui se veut (body)positive, formulé de cette manière, tendrait à nous faire penser qu’il s’agirait de favoriser de nouvelles personnes — de nouveaux corps — en leur permettant à leur tour d’accéder à un bien-être physique et mental, en reconnaissant leurs valeurs esthétiques, possiblement au détriment d’autres qui ne s’y retrouveront pas une fois de plus. Or, il faut simplement se dire que, merde, personne ne doit se permettre de dire et de produire un propos qui se voudrait ensuite comme un jugement universel et unilatéral, se donnant le pouvoir de prôner ce qui est beau et ce qui ne l’est pas, ce qui est acceptable ou ce qui mérite d’être caché et raillé.

Laissons à chacun la possibilité de s’accepter, avant celui de donner le droit aux autres de nous juger physiquement, ce qui nous réduit d’ailleurs à n’être qu’une enveloppe et donc pas un être à part entière, à partir d’une base fallacieuse, subjective et mouvante (je ne vous apprends rien, les canons de beauté ont tellement varié au fil des siècles et des sociétés qu’il est illusoire de dire que le beau est universel/unilatéral & éternel), base qui nous refuse le droit à chacun.e de développer nos goûts personnels en nous poussant à adhérer à un ordre donné par la société.

 

Aussi, je le redis : détruisons l’idée des canons de beauté inatteignables et celle des standards, quels qu’ils soient !

 

D’ailleurs, très personnellement, j’ajouterais : qui a encore envie d’être standard ? Pourquoi se limiter à faire partie d’une norme qu’on vous inculque de force ? Non merci ! Sans moi ! Mon ego, pour moi qui ai appris à développer, dans la douleur, mon amour propre et l’acception de moi, m’empêche d’avoir une envie aussi bas de gamme et je ne veux plus être tentée de rentrer dans aucun moule, de force, qui ne me correspondrait pas à 100 %… or, le seul moule qui répondrait à ce critère et le mien, qui est unique ! Et il en est de même pour chacun.e d’entre nous.

 

Dans tous les cas, merci à @sand.cct@histoiresdecomplexes et toutes les autres artistes/activistes qui partagent et participent à la diffusion, par le biais de leur superbe labeur, à ce message de self love, d’acceptation de soi et de rien à battre du regard des autres, mais aussi au refus de jugement d’autrui.

Aussi, aimez-vous les uns les autres, apprenez à vous aimer vous-même et à foutre la paix à l’enveloppe de l’autre si elle vous déplaît. N’imposez pas vos goûts personnels comme des vérités universelles, d’autant plus que la plupart du temps elles ne vous sont pas propres, mais sont bel et bien le fruit d’injonctions sociétales et patriarcales que vous régurgitez comme des petits bébés bien trop dressés pour accéder au libre arbitre et à la capacité de penser.

Alors, occupe de toi ton corps, aime-toi et ne juge pas ce qui de toute manière ne t’appartient pas.

Aucun souci pour celles et ceux qui passent par la case chirurgie esthétique, chacun fait ce qu’il veut de son corps tant que c’est en toute conscience !

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(1)Aucun souci pour celles et ceux qui passent par la case chirurgie esthétique, chacun fait ce qu’il veut de son corps tant que c’est en toute conscience !

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Achetez-vous un dictionnaire,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Achetez-vous un dictionnaire,

Ou l’art de ne pas comprendre le mot non

Rebecca Rotermund - le  07/06/2021 chez Le string magazine

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Non. Non, un mot dont nous serons tou.te.s  d’accord pour dire qu’il est l’un des plus élémentaires de notre langue française. Un mot simple comme bonjour, non ?

Alors d’où provient cette mauvaise foi masculine évidente dans l’incompréhension de celui-ci quand il s’agit de drague, séduction et d’ébats amoureux ou sexuels ?

 

Mauvaise éducation, génération de l’enfant roi, du garçon petit prince et donc mal éduqué, ou simplement refus d’entendre la moindre négation sous couvert de culture du viol ? Dénis d’existence de ces trois lettres par le royal pénis de ces messieurs qui dirige notre regrettable patriarcat ? Ou simple imbibassions de ces trop nombreux mauvais exemples, partout, autour de nous, en termes de culture du mâle suprématiste dominant ?

Ou en encore faute de notre environnement et principalement de nos écrans, où cette fameuse culture du viol — oui encore elle — est sans cesse omniprésente dans les scénarios que nous ingérons à haute dose à l’heure du numérique ? Histoires écrites, rappelons-le, majoritairement par des hommes pour des hommes, mettant en scène des femmes minaudant, disant non, par honte de dire oui trop vite, toutes en fausse pudeur, par soi-disant envie de se faire désirer, pour mieux finir — sous l’insistance du héros masculin — par céder. Ou, pire encore, à force de voir des histoires fictives sordides ou la femme se fait violer, mais finit par aimer ça ou même carrément par tomber amoureuse de son tortionnaire et bourreau ?

Pourtant la réalité n’est pas la télévision ou Netflix, et dans la vie IRL non veut dire non.

 

Si ces hommes, lourdingues, pouvaient prendre conscience que leurs insistances plus ou moins appuyées après un non, qu’elles soient directives, sous forme d’humour ou autre, sont irritantes, insultantes et insécurisantes, notre quotidien gagnerait un confort de vie et notre dignité se sentirait bien moins bafouée.  

Messieurs, la séduction n’est pas une affaire de négociation. L’ouverture de nos cuisses et de nos corps ne sont pas à concevoir comme un objet soldé, de peu de valeurs, n’existant et n’ayant raison d’être que pour être consommé pour votre unique plaisir, que nous braderions sous une insistance lourde ou infime, nous forçant à ouvrir boutique et à nous bazarder pour la seule joie de vous contenter et qui ne sera alors pas partagée.

Et pour tous ceux qui outrepassent à cette réponse négative, à ce non, rappel, qu’on se le dise bien tou.te.s : il s’agit de viols et d’agressions. Un espace vital saccagé par une intrusion non désirée, comme un baiser volé, une main au cul qui se voudrait caressante et flatteuse, ou une pénétration, est une violence si l’autre partie a dit non.

 

Non c’est non.

 

Ainsi, messieurs les lourdauds, sachez qu’insister, dans l’espoir d’obtenir à l’usure, est considérable à un viol, une conquête par la force, sans gloire ni honneur, et songez que même si la femme en face venait à céder, vous devriez comprendre que le cœur n’y est pas. Et si vous aviez une once d’intelligence, d’ego et de sensibilité, vous ne pourriez, sans honte, vous satisfaire de cela.

Insister sans fin, et outrepasser le premier refus, se résume à considérer la femme en face de vous comme étant semblable à un château fort ennemi en temps de guerre, et vous-même en odieux conquérant, l’assiégeant, guerroyant salement pour la faire tomber et la mettre à sac, résumant la séduction, l’amour et le sexe à un combat avec un vainqueur et une vaincue/victime.

En un mot comme en mille, c’est au nom d’un plaisir pas vraiment partagé, enfin non, plutôt non partagé du tout, que vous vous mettez à considérer inconsciemment la femme en face de vous comme un ennemi à détruire et à dominer.

 

Quand ces hommes, en grand nombre, qui agissent ainsi, cesseront de penser, au choix, que nous les femmes sommes des alouettes et des têtes de linotte à l’esprit si léger et si peu consistant que nous allons nécessairement changer d’avis, ou plutôt d’envie, comme de chemise sur une légère — ou atrocement lourde - insistance, ou encore que nos corps sont des terrains à conquérir par la force, quitte à justement nous forcer un peu la main, nous serons tous gagnants. Les femmes se sentiront plus libres et plus respectées, et les hommes réussiront avec beaucoup plus de grâce et de respect à nous donner envie, dans une joie véritable, d’éventuellement partager avec eux et non pas de céder pour eux.

 

J’ajouterais aussi, pour les plus idiots ou les moins au fait, qu’une femme a également le droit de dire oui et après de changer d’avis, parce qu’elle ne le sent plus, parce qu’elle s’aperçoit que quelque chose finalement coince son désir et lui donne l’envie de stopper ou de partir.

Grande nouvelle et roulement de tambour, ceci est une évidence même, et pourtant nous voilà obligés de le préciser : même après un oui, un non veut dire non. Et même si la partenaire est déjà dans ton lit et qu’elle donne son accord pour une pratique sexuelle et est en désaccord avec une autre, inutile d’insister, non c’est non.

Non n’est pas prononcé pour vous émasculer, vous rapetisser ou mentalement vous gifler. Non veux simplement dire que le désir à ce moment précis n’est pas partagé — et qu’il y a de grandes chances qu’il ne le sera jamais. Et dites-vous bien que négocier c’est déjà être entrain de tenter de forcer et de donc de violer.

 

Aussi, pour les messieurs concernés : non veut dire non. Mantra que je vous recommande vivement de répéter jusqu’à assimilation. Que ce mot de trois lettres, si facile à retenir, vocabulaire de base que l’on apprend dès tout petit – avec difficulté manifestement pour en comprendre la valeur et la teneur pour beaucoup — provienne d’une inconnue dans la rue, un bar, une boîte de nuit, au supermarché, au travail, dans votre lit, d’une amie, d’une amante, d’une ex-amante, ou de votre compagne : non veut dire non. À vous de vous retirer en grand prince et en bon seigneur, c’est-à-dire aussitôt, sans pour autant vous sentir offensé et blessé dans votre fierté mal placée, ce qui permettra aux deux parties de vivre ce moment de refus avec dignité, et de ne pas commettre sous couvert de votre insistance — dont vous n’aviez peut-être pas jusqu’à présent pleinement conscience — le moindre abus.

 

À toutes fins utiles, je vous aurais bien dit de vous acheter un dictionnaire, mais sachant que le Larousse est accessible en ligne à tous, je vais me contenter de vous demander d’aller dessus pour vous informer. Mettez le bien à jour dans votre cerveau : non veut dire non, pas oui, pas peut-être, et encore moins je minaude forces moi la main. Non c’est non.

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l'art de ne pas comprendre le mot non.jp
contes de foetus

Contes de fœtus,

Ou contes de fées, injonction au mariage et à la maternité,

Rebecca Rotermund - le  28/06/2021

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J’avoue, j’ai toujours aimé les légendes et les contes de fées. Pour autant, je ne me suis pas transformée en princesse attendant son sauveur princier. Je n’ai pas rêvé, ni enfant ni adulte, d’un mariage, dans une robe de plus ou moins bon goût destinée à ce moment unique qui aurait été ma grande journée, un des points culminants de ma vie. Je n’ai jamais fantasmé qu’ensuite mon royal mari viennent me coller X bébés dans le buffet. Je ne me suis pas construite, de force, sur cette assignation au mariage, à la maternité et à l’homme tout puissant qui vient vous secourir, donner un sens à votre vie et vous permettre de bien calquer votre vie sur la norme qu’on vous fait ingurgiter depuis la tendre enfance.

 

Je crois que ce qui a fait la différence, je veux dire ce qui m’a permis de me construire hors schéma classique patriarcal et hétéronormé, en me poussant à me poser les questions sur ce que je voulais vraiment moi pour mon bonheur personnel, c’est que j’ai grandis en partie avec d’autres modèles que les niaiseries de ces récits en version aseptisés où l’héroïne, après un combat que finalement le prince mène et remporte pour elle, part au loin découvrir le bonheur avec et par celui-ci.

Remarquez d’ailleurs que la violence larvée du classique final « ils se marièrent, furent heureux eurent beaucoup d’enfants », qui fait office de clap de fin pour l’histoire, annonce la couleur de la vie au combien morne qui attend la jeune femme après mariage, et ce jusqu’à la fin de sa vie : un bonheur plat sans histoire à base de soumission au mari et de maternité ; sinon est-ce qu’il n’y aurait pas autre chose à raconter après, hors nous sommes bien d’accord la grande majorité des histoires s’arrêtent toutes là.

La grande épopée des femmes, avec laquelle nous nous construisons, nous est donc présentée comme étant celle de se trouver un fiancé. Ensuite vient un calme plat qui ne mérite plus d’être conté, puisque la femme est sous l’aile protectrice de son époux qui va tout gérer. Paye ton épanouissement personnel.

 

Gamine j’ai eu accès aux contes gore à la Grimm, pas uniquement à la Perrault et encore moins à la Walt Disney, qui m’ont fait comprendre que derrière toute cette magie, imbibée de niaiseries, il y avait une autre réalité : celle de la femme victime, soumise, sans défense qui a nécessairement besoin d’un mâle dominant pour exister.

Bien que comme une majorité de petites filles de l’époque — et je précise parce que les films d’animation ont sacrement évolué depuis quelques années (hello la reine des neiges et autres princesses nouvelle génération) — j’ai grandis avec cette culture des contes populaires machistes, que l’on raconte, ou montre aux enfants, sans penser au message qui est dedans, qui nous éduque ainsi à être dépendante de l’aide et de l’appui d’un homme et nous dirige vers le schéma unique de vie réussie nécessairement à base de mariage et de maternité pour atteindre LE bonheur ultime — et identique pour toutes évidemment.

Cependant grâce à mes parents et à la bibliothèque municipale, j’ai rapidement eu accès à toutes sortes de livres qui m’ont fait comprendre que le ce modèle n’était pas le seul modèle du bonheur pour une femme et que le rôle de la princesse finalement… bof quoi !

Mais qu’en est-il pour la majorité des gamines de mon âge qui n’ont pas eu cette chance ? Réponse : en voyant mes plus proches amies se débattre — pour un grand nombre d’entre elles — encore à l’âge adulte avec les injonctions au couple, à la soumission, à la charge mentale, sexuelle, au chevalier servant descendu de son destrier ou du ciel pour les sauver, à la difficulté de s’épanouir personnellement sur tous les plans sans un mâle à leur côté, à celle de dire non, au mariage et encore pire — pour moi — au bébé : catastrophe et dépendance totale à cet autre qui prend donc le pouvoir sur elles. Je les vois souvent être exiguës dans leurs propres existences, coincées dans un rôle secondaire ou leurs mecs tirent la couverture à eux.

 

De mon côté, je me suis construite autrement. Mon désamour pour les princesses fadasses et clairement pas badasses a-t-il joué dans ma construction, mon rapport à l’autre et celui aux hommes ? Probablement. Mon accès à d’autres figures féminines ni victime, ni mariée, ni soumise ? Très certainement.

Enfant je n’ai jamais réussi à m’émerveiller réellement sur les Walt Disney et ce type de films pour enfant. Ils me semblaient trop niais, à l’ancienne, mièvres, bêtes. Les princesses y étaient de pauvres cruches sans défense, totalement dépendantes du bon vouloir d’un prince qui finissait toujours par venir la sauver et solutionner toute son existence de pauvre femelle à la ramasse qui a besoin d’un homme pour filer droit et s’en sortir en passant par la case mariage, et qui finit par accéder au bonheur par le biais de l’obligatoire maternité qui semble aller de pair avec. Je conçois ne pas me l’être formulé aussi clairement dans la tête à l’époque, mais avoir eu ce ressenti : pour moi non merci !

J’ai également eu un problème avec les dessins animés destinés aux filles à la télévision les dimanches matin — car chez nous pas de télévision avant l’école au réveil : je les trouvais chiants à mourir ! Car, oui, je suis issue d’une génération ou même les dessins animés étaient genrés. Attention surtout pas le même programme pour les filles et pour les garçons. C’est important de formater dès le départ les plus petits pour qu’ils correspondent au moule du patriarcat dominant et à la société de consommation ; aux petits garçons les super pouvoirs et les aventures, aux petites filles le cucul la praline et un apprentissage du futur carcan de la féminité où il faut faire attention d’être belle, d’être une princesse et de bien rester à sa place même lorsqu’une péripétie vous a embarqué, de toute manière on fait savoir que vous ne risquez rien puisqu’un garçon va venir vous sauver.

Clairement, j’étais plus Cats eyes, où les héroïnes étaient des voleuses qui tentaient de retrouver leur père, que Starla et les joyaux magiques, où bien que les princesses soient les héroïnes principales elles finissaient par être sauvées par leurs copains mecs une fois sur deux. Et je préférais dévorer une légende ou un conte à la Grimm qu’un Walt Disney.

 

Maintenant que je suis adulte, je suis d’autant plus allergique à ce concept de princesse dépendante, et bien que n’ayant pas d’enfant, je ne souhaite pas que les petites filles soient éduquées exclusivement avec cette base-là qui fait à l’adolescence ou à l’âge adulte de sacrés dégâts.

Aussi j’enjoins les parents et particulièrement les mères à ne pas bercer leurs filles uniquement avec des versions des contes de fées qui ne sont que des injonctions déguisées à la soumission au patriarcat, au mariage et à la maternité.

Magie, légendes et contes de fées oui, contes pour procréation obligatoire et asservissements non.

Corps public, Ou Marlène va donc cartographier ton cul !

Corps public,

Ou Marlène va donc cartographier ton cul !

Rebecca Rotermund - le  12/07/2021

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Le sujet du harcèlement de rue est toujours et inlassablement d’actualité, et fait son grand retour avec l’été, les beaux jours, la peau un peu plus dénudée et le déconfinement qui est enfin arrivé.

Les féministes et autres activistes, qui ne cessent de soulever ce malaise sociétal, n’arrivent en général pas à obtenir de réponse de l’État ni de moyens réellement concrets pour faire cesser ces agressions que nombre de femmes vivent quotidiennement.

Mais paraît-il que ça c’était avant, puisqu’au sein de notre gouvernement Marlène Schiappa et Gérald Darmanin — lui-même accusé de viol haha — nous propose une réponse à ce problème : une cartographie du harcèlement de rue.

 

Jusqu’à présent donc à l’épineuse question « Que fait l’État pour endiguer ce problème d’agressions des femmes dans l’espace public ? », la réponse était la suivante : rien. Enfin jusqu’à dernièrement ou ce rien c’est transformé en moins que rien.

La solution envisagée : nous dire indiquer, par le biais d’une application, les endroits considérés comme étant sécurisants, où nous pouvons  aller nous promener, ou nous déplacer et éviter les endroits louches.

Concrètement, avec un peu d’honnêteté, cela revient à nous dire où l’on a le droit de passer. Parce que, ne nous mentons pas, si l’on fait encore le choix, sciemment, d’aller dans les endroits qui nous seront désignés par cette application comme étant dangereux, cela sera problématique, et signifiera, in fine, que nous aurons eu l’envie de nous faire agresser. Je vois déjà les comportements et les accusations portées aux victimes en cas de dépôt de plainte ou dans les conversations : « oui, mais tu savais que cet endroit n’était pas sécure et tu as fait le chois d’y aller, donc tu l’as cherché ». Un remix à succès à venir donc de la très fameuse litanie « elle s’est fait agresser, mais il faut voir comment elle était habillée », bientôt tous les jours dans nos oreilles qui vont saigner.

 Parquons donc avec une application les femmes dans les espaces publics safe, plutôt que d’éduquer et de punir les agresseurs, et rien à foutre d’ailleurs de savoir si les femmes, à la base, ne sortent dans les endroits « craignos » que par nécessité et certainement par plaisir. Pour information, au cas où, Marlène, en général les femmes ne mouillent pas leurs culottes à l’idée de devoir vivre/travailler/passer par des endroits malfamés, mais se déplacent dans ces lieux par obligation.

En dehors du fait de nous assigner à aller à un endroit ou non, un autre problème se pose face à cette idée gouvernementale saugrenue, inutile, qui ne résoudra rien et qui va coûter bonbon aux contribuables, c’est-à-dire vous et moi : Marlène et sa clique n’ont pas dû réaliser que le harcèlement de rue, les agressions et les viols c’est partout et tout le temps et non pas borné à des endroits indiqués — même si certains lieux sont pires que d’autres. Sinon, il me semble qu’un bon nombre de ces actes malveillants n’existeraient pas, car, encore une fois, les victimes ne sortent pas de chez elle dans l’idée d’aller chercher la merde et d’en devenir une — de victime pas de merde, les merdes étant uniquement les agresseurs.

Certes, ils existent bon nombre d’endroits que les femmes, à l’usage, finissent par connaître et qu’elles tentent d’éviter au maximum quand elles le peuvent. Vous savez Marlène ce genre de lieux où vous n’allez qu’à reculons et en vous disant que vous avez de grandes chances qu’une agression verbale, un attouchement ou pire peut arriver. Non, vous ne savez pas, car soit vous êtes une privilégiée, soit vous avez oublié que cela existe les espaces publics insécures, dont une habitante ou une travailleuse peut être dépendante. Et cela inclut que votre application ne serait finalement destiné qu’à l’usage des femmes n’utilisant l’espace public que pour leur loisir et donc sans obligation, mais aussi, plus gravement, que vous acceptez par le biais de celle-ci que l’espace public français appartienne davantage aux hommes qu’aux femmes, puisqu’il s’agira pour les femmes qu’en dehors de leurs obligations quotidiennes elles fassent attention quant au choix du lieu où elles envisageront de passer ou de se rendre pour leur plaisir.

Avec ce projet, ô combien à côté de la plaque, vous refusez d’admettre que le problème n’est pas le lieu de passage des femmes, mais celui d’une éducation et d’un système judiciaire défaillant qui ne punit pas systématiquement les agresseurs.

Pour rendre aux femmes l’espace public, qui leur appartient autant qu’aux hommes, la solution est on ne peut plus simple : éducation et en cas d’agressions punitions systématiques. Mettez donc plutôt les moyens financiers sur ces deux programmes plus que sur une application qui n’est pas une solution, mais qui est une insulte à ce que vivent les femmes que vous êtes censée représenter.

 

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